Lettre de Malik Salemkour
Paris, le 4 juin 2018
Monsieur le Président,
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) tient à vous faire part de son indignation devant le sort cruel que le gouvernement chinois inflige à la poétesse Liu Xia, privée de liberté depuis l’arrestation de son époux Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix 2010. Le corédacteur de la Charte 08 demandait, dans ce texte, le respect des principes universellement reconnus de la démocratie. Liu Xiaobo est décédé du fait des privations qu’il a subies en détention.
Depuis, le gouvernement chinois s’acharne sur sa femme. Il est totalement inacceptable, voire insensé, de priver de liberté la veuve d’un homme par le seul fait du lien qu’elle a maintenu avec son époux. Le châtiment familial est une forme de châtiment collectif, dont l’injustice est depuis longtemps condamnée par la société internationale et par les Nations unies.
Il l’est même par la Constitution chinoise dont on voit qu’elle se réfère nommément, depuis peu, à la
« pensée » du président Xi Jinping. On pourrait attendre de celui-ci qu’il en fasse assurer le respect :
– Article 37
La liberté individuelle des citoyens de la République populaire de Chine est inviolable.
Aucun citoyen ne peut être arrêté sans l’approbation ou la décision d’un parquet populaire, ou sans la décision d’une cour populaire de justice ; toute arrestation est effectuée par les organes de la Sécurité publique.
Sont interdits toute incarcération illégale ou tout autre moyen illégal privant de ou entravant la liberté individuelle des citoyens, et toute fouille corporelle illégale.
– Article 38
La dignité personnelle des citoyens de la République populaire de Chine est rigoureusement inviolable. Tout procédé visant à outrager, diffamer ou accuser faussement les citoyens est interdit.
Mais on peut aussi citer cette disposition plus générale, dont la mise en œuvre recueillerait l’approbation universelle :
– Article 35
Les citoyens de la République populaire de Chine disposent de la liberté de parole, de presse, de réunion, d’association, de défilé et de manifestation.
Liu Xia n’est malheureusement qu’un cas parmi d’autres. Son frère a été condamné le 16 août 2013 à onze ans de prison pour prétendue fraude à propos d’un litige immobilier ancien et déjà réglé ; la persécution familiale avait pris, cette fois, la forme polie d’une condamnation de tribunal. Mais elle n’en est pas moins de même nature et contraire aux plus élémentaires pratiques de la justice internationale. La justice et le droit « à caractéristiques chinoises » sont des oxymores intolérables. Le traitement fréquemment infligé aux familles des critiques politiques du régime et aux familles de militants des droits de l’Homme, lequel régime les tient sous une menace constante de répression, fait l’objet d’une très large réprobation.
La LDH vous demande, Monsieur le Président, de tenter de faire comprendre à votre homologue chinois que l’acharnement contre madame Liu Xia entache fortement l’image de son pays, qui prétend pourtant occuper une place éminente aux Nations unies, et fait douter de la prétention des autorités chinoises à être considérées comme des artisans de la défense des droits, dont pourtant se réclament leurs institutions culturelles en affirmant se fonder sur la tradition de Confucius, dont l’un des concepts-clés était celui de la « bienveillance ».
La Ligue des droits de l’Homme joint sa voix à celles de toutes celles et de tous ceux qui, de par le monde, demandent la liberté complète d’aller et de venir pour Liu Xia, et vous demande, Monsieur le Président, d’agir en ce sens, pour obtenir du gouvernement chinois qu’il revienne à la raison. Liu Xia a le droit de ne plus être harcelée et de quitter le territoire chinois pour recevoir les soins qu’appelle son état de santé, dans le pays de son choix.
La Chine prétend être un Etat de droit respectueux de traditions de sagesse humaniste. La LDH vous demande, Monsieur le Président, de rappeler au gouvernement chinois que pour mériter cette distinction et jouir du prestige de cette dénomination, il faut que les actes correspondent aux mots.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Vous remerciant par avance de votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Malik Salemkour,
Président de la LDH