Actuellement, l’Assemblée de Corse élabore le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, le PADDUC. Ce document définit un projet économique, social et environnemental valable jusqu’à l’horizon 2030. Il suppose une vision politique forte, un projet de société. Dans le même temps, l’Assemblée de Corse se mobilise autour d’un projet de réforme constitutionnelle qui sera proposé au gouvernement dans le cadre du débat à venir sur la décentralisation. L’objectif est de préciser la place de la Corse dans l’organisation fondamentale de la République en demandant un pouvoir normatif et fiscal, et la co-officialité des langues française et corse. Ni plus ni moins une porte ouverte à l’autonomie.
La section de Corse de la LDH s’investit beaucoup dans ces débats car les enjeux en termes de droits de l’Homme, de démocratie et de citoyenneté sont essentiels.
Dans ce bouillonnement politique, il ne faut surtout pas perdre de vue l’état réel de la société corse ; une île marquée par un sous-développement chronique et une exacerbation des conflits autour des ressources que dégage la rente touristique, notamment pour le contrôle des terres littorales. La spéculation et la dérégulation sont à l’ordre du jour, et les droits dans un état préoccupant. La Corse est un territoire pauvre peuplé par de plus en plus de pauvres où le banditisme tente d’imposer sa loi à coups d’assassinats.
Le travail actuel de l’Assemblée de Corse signifie le refus d’une fatalité.
En juillet dernier, les élus ont adopté un texte sur les grandes orientations du PADDUC. Ils ont affirmé leur volonté de rompre avec le système rentier et la loi du plus fort. Ils ont fait le choix d’une autre trajectoire, celle d’une société de la solidarité et d’une économie de production. Au profit, ont-ils précisé, du peuple corse, composé des Corses d’origine et des Corses d’adoption, en référence à un autre texte essentiel adopté il y a 25 ans par cette même institution.
Le vote de juillet est prometteur. Toutefois, beaucoup reste à accomplir pour définir les conditions de l’égalité réelle entre les individus et entre les différents territoires insulaires. Sans participation des citoyens, une transformation sociale de la Corse vers plus droits et d’égalité n’est pas envisageable.
En préalable à l’élaboration du PADDUC, les élus ont proposé des Assises du foncier et du logement. La LDH a dit son adhésion à cette méthode qui permettait d’associer la société civile à la délibération. Elle a participé aux travaux en versant à la réflexion collective un manifeste pour le droit au logement digne, co-rédigé avec le Secours populaire et la Confédération nationale du logement et soutenu par 50 associations et l’ensemble des syndicats.
Il est nécessaire aujourd’hui de renouer avec cette ambition démocratique, d’imaginer d’autres procédures qui feront vivre la démocratie délibérative. Par exemple en élaborant des indicateurs de développement humain et de la biodiversité qui pourront être régulièrement mobilisés pour voir comment le PADDUC transforme la réalité. Et qu’à chacune de ces mesures, on réorganise un débat avec la société civile afin que le PADDUC soit l’affaire de tous.
Plus généralement, la démocratie délibérative a besoin d’instances où les individus s’expliquent entre eux, se contredisent, partagent, élaborent des réflexions et des propositions. C’est un travail de la société sur elle-même.
Pour la LDH, construire la société politique nécessite aussi de dire une nouvelle citoyenneté, une citoyenneté fondée sur la résidence, qui inclut les personnes installées durablement en Corse, quelle que soit leur origine.
L’économie fondée sur la rente touristique incite à une installation de plus en plus nombreuse de résidents temporaires. Les transports, les investissements en traitement des eaux usés, l’utilisation des sols, l’aménagement des routes…. l’économie dans son fonctionnement général n’a qu’un objectif : répondre à leur demande, y répondre en étant toujours plus compétitif pour attirer d’autres résidents temporaires au détriment d’une économie fondée sur les besoins des résidents installés durablement.
Il faut ici insister sur le désordre démocratique que génère cette évolution et sur le sentiment de dépossession qui gagne la société corse. La tentation xénophobe n’est jamais loin. La définition d’un nouveau droit politique par la citoyenneté de résidence est une réponse à la hauteur de cet enjeu démocratique. Elle redonne sens à la communauté de destin, à la possibilité de refaire société ensemble ici et durablement. Elle n’est pas le complément d’une démocratie délibérative, elle en est la substance.
Septembre 2012