Au fur et à mesure des « sommets économiques », et bientôt encore avec la prochaine réunion du G8 à Gênes le 21 juillet 2001, s’accentue un double déficit de démocratie, même si les représentants des États à ces rencontres sont mandatés par des gouvernements élus. D’une part, les décisions prises dépassent largement le cercle des pays participants et s’imposent aux pays non représentés, alors que les instances de concertation internationale comme les Nations unies sont laissées de côté. D’autre part, y compris à l’égard de leur propre population, les États siégeant au G8 font montre d’un intolérable mépris de l’opinion publique et de ses expressions citoyennes. Les sommets entendent traiter comme des questions techniques, accessibles aux seuls spécialistes, des choix de société essentiels. Sur le fond, la préférence accordée aux mécanismes du marché pour réguler l’économie mondiale est présentée comme une évidence scientifique. Elle s’avère pourtant incapable d’ouvrir aux pays les plus pauvres des perspectives équitables, de promouvoir un modèle de croissance compatible avec l’équilibre écologique. Au nom de la compétitivité, elle accentue la pression pour augmenter la précarité, diminuer les dépenses sociales et affaiblir les liens sociaux dans les pays développés. Des négociations sont déjà programmées pour ouvrir au jeu des investissements internationaux des services essentiels comme l’eau, la santé, l‘éducation, tandis que le fonctionnement même du système mondial de production et d’échange reste sous la menace d’une crise financière incontrôlable. De telles questions importent aux citoyens, ils veulent débattre des finalités et des méthodes mises en oeuvre pour mettre l’économie à sa juste place et lui donner un sens. Le Premier ministre Lionel Jospin a, dans son discours de Rio au mois d’avril, posé des jalons utiles pour maîtriser la mondialisation. Il convient que le gouvernement français explique plus clairement comment il entend mettre ses actes en accord avec ses paroles et intervenir dans les instances internationales. Faute de débat, les gouvernements ne laissent aux forces sociales que l’espace de la rue pour s’exprimer, ils ouvrent la voie à la violence et y cherchent même un prétexte pour discréditer toute contestation. Mondialisation de l’exploitation et des inégalités ? Mondialisation des droits de l’homme et de la solidarité ? Une mobilisation mondiale inédite s’organise autour de ces questions. La Ligue des droits de l’homme sera présente, avec ses partenaires de la Fédération internationale des droits de l’homme et de l’Association européenne des droits de l’homme, aux côtés des autres acteurs sociaux en France et dans le monde, pour se saisir de ces enjeux primordiaux. Paris, le 9 juillet 2001