3) Pour un contrat personnalisé de l’exécution de la peine. 3.1. La notion de contrat est difficile à inscrire dans le contexte carcéral, Il pourrait être cependant un outil très efficace, à la fois en lui-même et dans la remise en chantier qu’il exigerait. Il n’est pas d’outil plus structurant puisqu‘il prend au sérieux la parole et la signature de deux contractants, en particulier de celui qui pouvait se croire totalement méprisé et déchu. Il affirme, par sa seule existence, que le sanctionné pénalement est bien considéré comme une personne autonome et digne, ce qui par là même ne peut que restaurer l’image qu’il a de lui-même et de sa parole. Que la personne détenue puisse conclure un contrat avec l’Administration pénitentiaire ne va pas de soi et exigerait un salutaire mais profond changement des mentalités. Contracter suppose la possibilité de se décider, d’être autonome et fondé en dignité, alors que tout rappelle constamment au détenu sa dépendance et sa punition. Il est essentiellement considéré comme un être obéissant quand le contrat suppose au contraire l’initiative. Comme tous les lieux d’enfermement et d’obéissance, mais avec une particulière acuité, la prison déresponsabilise et infantilise. Dans un tel contexte le détenu en arrive à se poser en victime de la police, de la justice, des surveillants, de la société tout entière. Les relations dans la prison sont fondées sur la méfiance et parfois le mépris réciproques alors qu’un contrat suppose au contraire la reconnaissance mutuelle. La prison constitue une micro-société avec ses lois non écrites mais prégnantes. L’une d’elle est qu’il ne faut jamais pactiser avec ‘l’ennemi’. Les surveillants se méfient des détenus, les détenus se méfient des surveillants, et tout nouvel arrivant de l’un ou l’autre camp est rapidement conditionné par leur appartenance. Contracter est, dans de telles conditions, à peu près impossible. A cela s’ajoute la personnalité du détenu. Par définition, il a transgressé la loi. Or souvent, cette transgression est la manifestation d’une désocialisation très ancienne qui se traduit précisément par une incapacité à prendre et à tenir des engagements. La signature d’un contrat n’est pas impossible mais elle ne peut se faire qu’au terme de tout un travail, en particulier sur le plan psychologique, et ne saurait constituer sans hypocrisie un préalable. A ces difficultés de fait s’ajoutent également des obstacles de droit. En effet, un contrat suppose, c’est même une condition de sa validité, la liberté des contractants. D’ailleurs, lorsque des textes officiels tentent de définir des relations négociées entre l’administration pénitentiaire et les personnes incarcérées ils évitent d’employer le terme de contrat. C’est le cas du Projet d’Exécution de la Peine qui se veut un engagement réciproque entre une personne qui accepte d’entrer dans un processus d’insertion et l’administration pénitentiaire qui va lui en donner les moyens. On le voit aussi dans les documents produits dans le cadre de la préparation de la loi pénitentiaire, la terminologie employée révèle la même réserve à l’égard du mot contrat. Ainsi il est déploré l’absence de tout ‘engagement’ entre l’employeur et l’employé détenu, mais le terme de ‘contrat’ est soigneusement évité. Un changement dans les termes manifesterait une profonde mutation de la réalité carcérale.