La LDH tient à dénoncer la violente mise en cause de Rose bonbon de Nicolas Jones-Gorlin, publié chez Gallimard, par une association, L’enfant bleu, laquelle, après la lecture de seulement « quelques pages », demande à Gallimard de renoncer à la publication tout en affirmant ne pas « vouloir demander l’interdiction du livre ». Elle indique qu’à défaut de retrait, elle demandera au parquet d’entreprendre des poursuites pénales. Cette lettre se termine ainsi : « Nous espérons donc que vous renoncerez à votre projet et ne vous prêterez pas, sous prétexte de faire sauter des tabous sexuels, à la tendance banalisatrice des crimes commis contre les enfants qui semble prédominer dans certains domaines. »
La Ligue des droits de l’Homme rappelle que dénier aux écrivains le droit d’aborder des faits de société, comme la pédophilie, au travers d’une œuvre de fiction constitue une grave atteinte à la liberté de création et d’expression. Aborder la pédophilie dans une fiction ne peut ipso facto être considéré comme une apologie de ce crime, de la même façon que les écrivains de romans policiers peuvent faire d’un tueur en série le héros de leur roman, sans pour autant être soupçonnés de faire l’apologie du meurtre en série.
L’œuvre d’art est de l’ordre de la représentation : elle s’écarte toujours du réel même si elle s’y inscrit. Le propre de l’œuvre de fiction est précisément de permettre des lectures différentes, à des niveaux de compréhension et de sensibilité qui diffèrent selon chaque lecteur. A ce titre, elle a un statut exceptionnel, et ne saurait, sur le plan juridique, faire l’objet du même traitement que le discours politique, public ou journalistique.
Les amendements Jolibois, destinés à lutter contre le trafic d’images pédophiles, et à protéger les enfants d’images violentes ou pornographiques, ne doivent pas servir à contrôler le contenu des œuvres de fiction, ni à attenter à la liberté d’expression des artistes, ce à quoi ils sont, depuis qu’ils ont été votés, trop souvent utilisés.
L’action que se propose d’engager l’association L’enfant bleu relève de cette volonté de détourner la loi et la nécessaire protection des enfants au bénéfice de sa propre conception de la morale.
La LDH affirme que l’art nous est indispensable pour comprendre le monde, et qu’il est donc vital de protéger la liberté de l’artiste, malgré les scandales que certaines œuvres peuvent provoquer, par un travail pédagogique et responsable de présentation au public, et engage l’éditeur à assumer ses responsabilités vis à vis de l’auteur.
Agnès TRICOIRE, déléguée du groupe culture – LDH
Paris, le 29 août 2002