Borner ce titre de séjour, qui n’autorise pas à travailler, à la durée de la procédure judiciaire n’aura pas d’autre effet que d’empêcher ces personnes d’accéder à un niveau de confiance et d’insertion qui, seuls, leurs permettront, et de s’extraire de la prostitution et d’apporter leur aide aux services chargés de la répression du proxénétisme.
Au-delà de l’éthique qui commande de considérer ces personnes comme des victimes et non comme des délinquants, on comprend mal que le projet du Ministère de l’Intérieur conduise les forces de l’ordre à se priver du concours des prostitués.
La LDH regrette, en revanche, que le gouvernement ait retardé l’adoption de nouvelles dispositions permettant de mieux réprimer les organisateurs de réseaux de prostitution.
L’extension du régime des menaces à la première expression venue, et non à la réitération de celles-ci, peut conduire à des condamnations en raison de l’usage d’une simple expression. La variété des situations visées, notamment les personnes chargées d’une mission de service public, peut amener à ce qu’une personne se rende coupable de ce délit sans avoir la moindre conscience de la qualité de son interlocuteur. Dès lors, se pose la question de la possibilité même de la constitution du délit en l’absence de tout élément intentionnel tel que prévu par le premier alinéa de l’article 121-3 du Code Pénal.
La création d’un nouveau délit relatif à la mendicité agressive ne répond à aucune utilité dès lors qu’il existe déjà une disposition du Code Pénal réprimant l’extorsion de fonds sous menaces ou avec violence (la jurisprudence a toujours considéré l’usage d’animaux dangereux comme des armes et des violences). Il s’agit de l’article 312-1 du Code Pénal.
Les dispositions de l’article 19 du projet de loi amènent la LDH à faire cinq réflexions :
· Dès lors que la rédaction proposée du nouvel article 322-4-1 du Code Pénal vise, par référence à la loi N° 2000-614 du 5 juillet 2000, explicitement les gens du voyage, on peut analyser cette disposition comme contraire à l’égalité des citoyens devant la loi en raison de la discrimination qu’elle implique et qu’elle ne s’applique qu’à un groupe de citoyens précisément désigné.
· Le projet pourrait avoir pour effet pervers d’autoriser l’occupation d’un terrain public par tous dès lors qu’une commune n’aurait pas respecté les obligations de la loi du 5 juillet 2000. La LDH doute que cela soit le but recherché.
· Le fait que le délit ne soit constitué que si une commune n’a pas rempli ses obligations légales en matière de terrain d’accueil rend ce texte largement inopérant aujourd’hui puis qu’environ 80% des départements ne respectent pas leurs obligations en ce domaine. La LDH estime qu’il serait préférable de se préoccuper de l’application de la loi actuellement en vigueur avant d’en réprimer les éventuelles violations.
· L’égalité des citoyens devant la loi est manifestement ignorée dès lors qu’occuper un terrain public par les gens du voyage constituerait un délit alors que le non-respect des obligations légales par les communes n’est susceptible d’aucune sanction.
· La LDH s’étonne de l’importance des peines encourues qui, s’appliquant à une population déjà largement défavorisée, amène à pouvoir leur confisquer jusqu’à leur moyen de transport ce qui peut conduire à des situations inextricables (que deviendra la caravane ?) allant jusqu’à empêcher les personnes visées d’utiliser leur habitation.
La LDH. considère, enfin, qu’il serait souhaitable de recueillir l’avis de la commission nationale consultative des gens du voyage avant toute délibération.
La LDH regarde comme inapplicables les dispositions de l’article 21 du projet de loi réprimant la présence d’un groupe de personnes dans une cage d’escalier ou une entrée d’immeuble collectif d’habitation. Il appartiendra, en effet, à l’accusation d’établir que, au moins deux personnes ont volontairement obstrué l’accès et la libre circulation des personnes. La dimension subjective du caractère volontaire de l’obstruction ouvre la voie à tous les débats et à toutes les interprétations.
S’agissant des menaces de violences et voies de fait, cette incrimination est largement superfétatoire au regard des dispositions actuelles du code pénal.
La LDH craint que de telles prescriptions ne conduisent à créer plus de litiges, notamment de voisinage, qu’à résoudre les réelles difficultés qui peuvent exister dans certains quartiers.
La LDH regarde comme anticonstitutionnelle et contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, les dispositions de l’article 28 du projet de loi concernant les étrangers.
Elle rappelle, tout d’abord, que les droits civils de tout étranger vivant sur le territoire de la République doivent être garantis de la même manière que ceux des nationaux.
A ce titre, constitue une atteinte à la présomption d’innocence de laisser à la seule autorité administrative le soin de déterminer si un étranger s’est rendu coupable de faits délictueux, sans aucune que la personne visée ait été déclarée coupable par l’autorité judiciaire.
De la même manière, c’est laisser l’étranger face à la seule décision de l’administration, et sans recours immédiat effectif, que de reconnaître au Ministère de l’Intérieur la possibilité de mettre un terme à un visa légalement obtenu au nom d’une menace à l’ordre public.
Plus généralement, la LDH s’interroge sur la pertinence des articles 18, 19, et 23 au regard du but recherché par les pouvoirs publics. Rappelant que la loi ne doit édicter que des peines nécessaires à la société et n’interdire que ce qui est nuisible, la LDH ne constate aucune adéquation immédiate entre la recherche d’une meilleure sécurité des citoyens et ces dispositions. La situation sociale de certaines populations devrait conduire à mettre en oeuvre les moyens nécessaires au respect de leurs droits et à avoir une vie décente et digne et non à considérer que les conséquences directes de la précarité dans laquelle elles vivent constituent des incriminations pénales.
Enfin, la LDH regarde comme un progrès les dispositions du titre II du projet de loi qui restreint les conditions de détention des armes.