Monsieur Jacques CHIRAC
Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Paris, le 2 juin 2004
Objet : Demande de déclaration rappelant l’interdiction absolue de l’usage de la torture
Monsieur le Président,
La condamnation des tortures commises en Irak par des soldats de l’armée des Etats-Unis a été unanime.
Le Ministre des Affaires Etrangères, Monsieur Michel Barnier, a ainsi déclaré : « Ces sévices, je les ai qualifiés immédiatement de déshonorants et d’indignes 1 ».
De même, le chef d’état-major des armées françaises, le général Bentégeat, a qualifié la torture « d’acte non seulement abominable mais également contre-productif 2 ».
Ces déclarations s’imposaient.
Mais, pour éviter que de tels actes soient à nouveau commis, il nous semble nécessaire que la plus haute autorité de l’Etat rappelle solennellement que la torture et toute autre forme de traitements cruels, inhumains ou dégradants sont des pratiques inacceptables et interdites en toutes circonstances.
Tous doivent savoir sans ambiguïté que ce sont des crimes et que ceux qui y auraient recours (que cela leur ait ou non été ordonné), tout comme ceux qui les y inciteraient, seront poursuivis et condamnés.
Une telle déclaration ne ferait que reprendre les termes des engagements internationaux que la France a ratifiés3 et s’inscrirait dans le droit fil de votre discours du 30 mars 2001 à la tribune de la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Vous y disiez : « Tous les observateurs confirment la persistance et l’étendue de la torture comme pratique légale ou de fait. Au-delà des souffrances infligées, rien n’est plus révoltant que cette volonté de dégrader et d’humilier l’homme. »
Ce qui est ici en jeu, au-delà des jugements qui peuvent être portés sur les méthodes employées en Irak, c’est l’affirmation pour les générations futures que la torture ne peut jamais être une pratique banale qui trouverait sa légitimité au nom d’une supposée efficacité.
En tant que Président de la République, vous êtes le chef des armées. Nous espérons qu’au nom de la France vous voudrez proclamer ce message.
Ce rappel de la prohibition absolue de la torture pourrait avoir lieu le 26 juin prochain, journée internationale de soutien aux victimes de la torture.
Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre haute considération.
Sylvie BUKHARI-de PONTUAL
Présidente de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de
David FRIBOULET
Directeur de la Section française Amnesty International
Hélène JAFFE
Présidente de l’Association pour les Victimes de la Répression en Exil AVRE
Sœur Anneth GILLET
Secrétaire Générale de
Monseigneur François MAUPU
Président de Jusice et Paix-France
Michel TUBIANA
Président de la Ligue des Droits de l’Homme LDH
Françoise JEANSON
Présidente de Médecins du Monde MDM
Hubert PREVOT
Président de Primo Levi
Notes :
1 Michel Barnier, « Le Monde », 14 mai 2004
2 Général Bentégeat, « Europe 1 », 9 mai 2004
3 Principaux textes internationaux :