10 juin 2004 : France / Génocide au Rwanda : La Cour européenne des droits de l’Homme condamne la France pour la lenteur de sa justice

La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour la lenteur de sa justice dans l’examen d’une plainte déposée contre un présumé génocidaire rwandais dans l’affaire MUTIMURA c. France (décision du 8 juin 2004).

En juillet 1995, des poursuites ont été engagées, à l’initiative de plusieurs victimes, contre l’Abbé Wenceslas MUNYESHYAKA, ressortissant rwandais. Cette affaire phare a donné lieu à de nombreux rebondissements judiciaires. Dans sa décision, la Cour de Strasbourg a estimé que la durée de la procédure (près de 9 ans) constituait une violation du droit à un procès dans un délai raisonnable et du droit à un recours effectif (articles 6 et 13).

Les organisations signataires rappellent que la France a une obligation de participation à la répression des crimes commis au Rwanda en 1994. Il s’agit d’une obligation légale mais aussi éminemment politique, participant ainsi au travail de mémoire et de vérité.

Huit ans plus tard et alors que la communauté internationale vient de commémorer le dixième anniversaire du génocide au Rwanda, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue française des droits de l’Homme et du Citoyen (LDH), la Communauté rwandaise de France, le Collectif des parties civiles, Survie et Juristes sans frontières se félicitent de la décision prise par la Cour de Strasbourg.

Les victimes rwandaises regroupées dans des collectifs et associations notent en effet que la plupart des plaintes ont été déposées entre 1995 et 2001 et qu’aucune d’entre elle n’a abouti à ce jour.

Dans les affaires rwandaises, comme dans la majorité des affaires fondées sur le principe de compétence universelle, l’inertie du Parquet démontre une certaine frilosité de la part des autorités judiciaires françaises, même si dans l’affaire en cause, le magistrat instructeur, nouvellement désigné, remplit sa mission.

Alors que la tendance au sein du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est de se dessaisir au profit des juridictions nationales lorsque cela est possible, les autorités françaises semblent, elles, plus enclines à se décharger de cette lourde responsabilité.

 

La décision de la CEDH redonne un espoir certain aux victimes rwandaises qui attendent que justice soit faite en France.

 

Contact

 – FIDH +33 (0) 1 43 55 25 18 / Bureau Presse
– LDH +33 (0)1 56 55 51 00 / Michel Tubiana, avocat et Président de la LDH et vice-Président de la FIDH
– Juristes sans frontiers – +33 (0)4 67 60 20 65 / Alain Ottan, avocat
– Survie +33 (0) 1 44 61 03 25 / Sophie Brondel
– CPCR (Collectif des parties civiles pour le Rwanda).- +33 (0) 06 76 56 97 61 / Alain Gauthier
– CRF (Communauté rwandaise de France)- +33 (0) 3 26 40 59 62 / Dafroza Mukarumongi

 

Retour sur la compétence universelle des tribunaux français pour les crimes commis au Rwanda

La résolution 955 du Conseil de Sécurité portant création (TPIR) stipule que les Etats doivent apporter leur pleine coopération au TPIR et à leurs organes et « qu’ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions des Statuts des tribunaux », y compris celle de poursuivre et de juger les auteurs de crimes de guerre ou violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel de 1977, crimes contre l’humanité et crimes de génocide commis sur les territoire de l’Ex-Yougoslavie du Rwanda et de ses territoires voisins.

 

Le 22 mai 1996, la France se plie à ses obligations internationales en inscrivant dans son droit pénal interne la loi n° 96-432 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 et prévoit en son Article premier que « la France participe à la répression des infractions et coopère avec [le TPIR] ». Le législateur français introduit la compétence universelle de ses tribunaux internes pour connaître des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide commis durant l’année 1994 sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire d’Etats voisins. A partir de cette date, les présumés responsables s’ils sont trouvés sur le territoire français « peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises en application de la loi française ».

 

Avocats dans la procédure française : Maîtres William BOURDON et Emmanuel DAOUD

Avocat de la requérante devant la CEDH : Maître Michel TUBIANA

 

Paris, le 10 juin 2004

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