Monsieur Jean-Pierre Raffarin
Premier ministre
Monsieur le Premier Ministre,
Je me permets d’attirer votre attention sur les conditions d’application de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage.
L’introduction et l’adoption d’un article dans la loi sur les libertés locales publiée au Journal officiel le 17 août dernier, offrant un délai supplémentaire de deux ans aux collectivités locales pour mettre en oeuvre effectivement leurs obligations en matière d’aires de stationnement, interrogent sur les intentions du Gouvernement pour répondre enfin aux besoins d’accueil des gens du voyage, tels que recensés dans les schémas départementaux lorsqu’ils sont arrêtés.
Alors que l’insuffisance de places légales avait été estimée à plus de 25 000 en France lors de l’adoption de
Parallèlement, le durcissement de l’arsenal répressif en matière de stationnement irrégulier vient amplifier les difficultés pratiques sur le terrain, tensions créées par l’impasse actuelle en l’absence de lieux autorisés pour l’accueil de ces personnes vivant de manière traditionnelle en habitat mobile.
Dès lors, il nous paraît important que l’État réaffirme l’urgence à avancer sur ce dossier, sans ambiguïté ni complaisance envers les collectivités qui ont volontairement refusé de respecter la loi.
Dans l’attente des solutions structurelles inscrites dans les schémas départementaux, des réponses locales provisoires doivent être proposées par les Préfets, en collaboration avec les commissions départementales consultatives des gens du voyage instaurées par la loi de 2000.
Les gens du voyage ne sauraient être tenus pour responsables de cette situation de pénurie dont ils sont victimes au quotidien avec des expulsions sans alternatives.
La liberté constitutionnelle de circuler doit trouver son corollaire en terme de stationnement, encore plus lorsque celui-ci est lourdement sanctionné en cas d’illégalité. La Justice doit pouvoir tenir compte de ce contexte et des responsabilités réelles des communes avant de prononcer l’évacuation de ces lieux de vie qui ne font que reporter sur d’autres territoires les difficultés.
Par ailleurs, l’État doit veiller à rappeler dans chaque ‘porté à connaissance’ aux communes qui engagent une révision de leur Plan Local d’Urbanisme, leurs obligations (article 8 de la loi de juillet 2000) de prévoir les terrains nécessaires à la réalisation d’habitats adaptés favorisant la prise en compte des attentes des semi-sédentaires.
Enfin, après la nomination de son Président début 2003, la commission nationale consultative des gens du voyage, rattachée auprès du Ministre des affaires sociales, doit voir ses membres renouvelés dans les meilleurs délais afin de poursuivre le travail de qualité et constructif engagé jusqu’en 2002, en étroite collaboration entre les associations de voyageurs et de défense des droits, les parlementaires, les élus locaux et les différents ministères concernés.
Seule une volonté forte de l’État permettra d’avancer pour la reconnaissance effective de ce mode de vie et d’engager avec les gens du voyage des actions concrètes pour lutter contre toutes les discriminations dont ils sont victimes.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Michel Tubiana, président de la LDH.
Paris, le 26 août 2004