Une délégation du collectif Romeurope a été reçue en juillet 2004 au ministère de l’Intérieur sur la situation des Rroms migrants en France dont la majorité est de nationalité roumaine. Se différenciant de la politique radicale et répressive de son prédécesseur, les représentants du ministre de Villepin ont témoigné d’un pragmatisme opportun, constatant l’impasse dans laquelle se trouvent encore aujourd’hui ces quelques six mille personnes qui seront citoyens européens dans moins de trois ans.
Il nous a été affirmé qu’il n’y a pas de politique d’éloignement systématique et de dissuasion de la part de l’Etat, « ni obsession ni laxisme, mais le respect de la loi ». La réalité est tout autre et Romeurope s’interroge et s’inquiète de ce qui traduit soit une méconnaissance des pratiques effectives des Préfets, soit un double discours. Ainsi, la clause « insuffisance de ressources » est utilisée quotidiennement pour justifier des reconduites aux frontières, en dépit de passeports réguliers autorisant un séjour de moins de trois mois. Ces mesures limites en droit et zélées, sont d’autant plus inacceptables qu’elles sont prises en urgence sans possibilité pour les intéressés de justifier de leurs moyens financiers et sans appréciation réelle de leur situation, particulièrement des projets d’insertion en cours.
Romeurope dénonce l’usage abusif, et ciblé sur ces populations, de la clause prévue dans les accords de Schengen concernant les moyens de subsistance. Malgré nos demandes, aucun cadre précis n’a pu être fourni sur les modalités de l’évaluation par les pouvoirs publics français de cette exigence. Romeurope déplore que la Justice confirme de manière quasi systématique les procédures administratives d’expulsion fondées sur les moyens de substance, se plaçant de facto dans une logique d’interdiction du territoire pour les personnes démunies et d’un délit de pauvreté. Les derniers exemples de recours présentés au Tribunal administratif de Paris sont à cet égard affligeants.
Sur les conditions d’hébergement en France, Romeurope ne peut se satisfaire de la position du Ministère qui renvoie à chaque préfet le règlement des conditions de vie déplorables sur les terrains occupés par ces familles. En l’absence de directives nationales, des décisions sont prises sous la pression d’élus locaux et de riverains pour des évacuations des sites sans délais, conduisant encore une fois à de simples déplacements du problème, avec une détérioration incontestable de la situation de ces personnes, notamment par la destruction de leur fragile habitat et la perte des réseaux de suivi social et de soutien de proximité. Les récentes expulsions de Surville près de Lyon et dans la région nantaise en témoignent.
Romeurope réaffirme l’urgence à ce que l’Etat prenne l’initiative de tables rondes départementales, ou régionale en Ile de France, pour trouver des solutions pérennes et adaptées avec des élus locaux volontaires, comme à Lyon (69) ou Nantes (44), Lieusaint (77), Achères (78), St Denis (93), St Michel/ Orge (91), Choisy le Roi (94), Bonneuil-Limeil (94) ou encore avec le conseil général du Val de Marne.
Le collectif Romeurope confirme sa disponibilité pour apporter son concours à l’évaluation des accords franco-roumains de 2002, qui seront à l’ordre du jour d’une prochaine rencontre, d’ici la fin de l’année, entre le conseiller du ministère de l’Intérieur chargé des relations internationales et le gouvernement roumain.
L’entrée prochaine de la Roumanie au sein de l’Union européenne oblige à trouver des réponses transitoires spécifiques au séjour des Rroms roumains en France, qui sont pour l’essentiel maintenant en situation régulière. Les menaces continuelles d’expulsion du territoire ont prouvé leur inefficacité en dépit des très importants moyens policiers, financiers et médiatiques mis en œuvre.
Comme en avait attesté en 2003, le rapport de mission en Roumanie de Médecins du Monde et de la FIDH, cette attitude indigne des autorités françaises a eu de lourdes conséquences sanitaires et sociales sur les rares rapatriés sous la contrainte, sans impact sur leur volonté de revenir en France, mais également de réels traumatismes pour ceux qui sont en France avec la volonté de rester.
L’idée d’autorisation de travail saisonnier, déjà proposée par l’association roumaine Rromani Criss lors de sa visite en France à l’invitation du ministère de l’Intérieur en janvier 2002, mérite d’être examinée plus avant, comme la mise en place de médiateurs sociaux sanitaires auprès des familles rroms en France.
6 septembre 2004
Contact :
Michèle Mézard, Malik Salemkour
rom.europe@medecinsdumonde.net
ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement), ASAV (Association pour l’accueil des voyageurs), AVER (Association AVER de recherche et d’action sur toutes les formes de racisme), CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués), GISTI (Groupe d’information et de soutien avec les travailleurs, immigrés), Identité rrom, LDH (Ligue des droits de l’homme), MDM (Médecins du Monde), MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), Mouvement catholique des gens du voyage, Romani Baxt (Destin rom), Ternikano Berno (Cercle de la jeunesse), URAVIF (Union régionale des associations voyageurs d’Ile de France), Et les Comités de soutien de Fontenay sous Bois, Montreuil, du Nord-ouest parisien, de Saint Michel sur Orge, de Savigny-Lieusaint-Melun, du Val de Marne.