Monsieur le Président de la République,
Nous vous écrivons dans la perspective de votre visite en Chine, du 9 au 12 octobre.
Le 10 octobre s’ouvrira l’année de la France en Chine, pendant de l’année de la Chine en France, qui s’est achevée en juillet dernier. C’est notamment pour présider le vernissage de cet événement culturel que vous vous rendrez en Chine. Votre visite sera également placée sous le signe de l’économie, puisqu’un certain nombre de chefs d’entreprises françaises vous accompagneront lors de ce déplacement.
Nous souhaitons attirer votre attention sur la poursuite des violations systématiques des droits de l’Homme en Chine, et vous prions instamment de saisir toutes les occasions pour aborder ces questions avec vos homologues chinois.
Les autorités chinoises continuent de répondre par la répression à tout ce qu’elles considèrent comme pouvant être un danger pour l’ordre établi. Ainsi, sont systématiquement arrêtés, et souvent condamnés à de lourdes peines, les cyber-dissidents, les responsables de mouvements religieux non reconnus, les fidèles du Falungong, les avocats intervenant dans des affaires sensibles ou les leaders sociaux.
Par ailleurs, la répression s’abat désormais également contre le nombre croissant de personnes qui se rendent à Pékin pour dénoncer les salaires impayés, les démolitions forcées de maisons, les ventes illégales de terrains agricoles ou la corruption au niveau local. Ainsi, au début du mois de septembre, la police a arrêté à Pékin plus de 36 000 plaignants venus de toute la Chine, les forces de sécurité de leur région d’origine les ayant ensuite ramenés de force chez eux. Un certain nombre d’entre eux ont subi des mauvais traitements en détention.
Dans le Xinjiang, la lutte contre le terrorisme est intrumentalisée par les autorités pour réprimer les indépendentistes Ouighours, sans distinguer entre protestation violente et pacifique. L’installation de colons Hans au Xinjiang et au Tibet va croissante, tandis que les droits culturels et religieux des minorités ethniques sont largement bafoués.
La Chine est le pays au monde qui exécute le plus grand nombre de personnes. En 2003, au moins 726 exécutions ont été recensées (et 1639 condamnations). Or, ces chiffres sont très certainement inférieurs à la réalité puisqu’un délégué du Congrès National du Peuple a évoqué en mars 2004 le chiffre de 10 000 exécutions par an. Les statistiques relatives à la peine de mort étant secrètes, cela rend toute évaluation difficile.
Les modalités d’administration de la peine de mort violent de manière flagrante le droit international : les crimes punis de la peine de mort incluent des infractions non-violentes, les procès aboutissant aux condamnations à la peine capitale sont généralement inéquitables et les aveux obtenus sous la torture sont admis – en violation de la législation chinoise.
Le système de la rééducation par le travail, qui permet la détention administrative sans contrôle judiciaire, est souvent utilisé à l’encontre de personnes ayant exercé pacifiquement les libertés d’expression, de religion ou d’association. En dépit de la recommandation du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies de supprimer cette forme de détention, plusieurs centaines de milliers de personnes sont actuellement détenues dans les centres de rééducation par le travail, où l’absence de contrôle favorise la torture et les mauvais traitements systématiques.
Nous vous appelons à saisir l’opportunité de votre visite en Chine pour aborder les questions évoquées dans le présent courrier avec vos homologues chinois. L’opinion publique et les médias auront les yeux rivés sur la Chine d’ici 2008, date des Jeux Olympiques. Il est essentiel que les Etats membres de l’Union européenne en général, et la France en particulier, adressent un message fort aux autorités chinoises, les incitant à profiter des trois années et demies précédant cet événement pour mettre en oeuvre des réformes significatives dans le domaine des droits et libertés.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.
Paris, le 7 octobre 2004
Sidiki Kaba Président de la FIDH, Michel Tubiana Président de la LDH