Des logis brûlent. Un autre drame se noue, un drame de santé publique. Car le Gouvernement a fait paraître en plein été deux décrets, pourtant retenus depuis deux ans, qui vont restreindre de fait l’accès aux soins des étrangers sans papiers. Désormais, seuls ceux dont l’état de santé justifie un traitement d’urgence pourront y accéder.
Ouverte aux étrangers en situation irrégulière qui ne peuvent être affiliés à un régime de sécurité sociale, l’aide médicale de l’Etat (AME) est accusée de tous les maux. D’être abusivement détournée de son objet et ainsi de coûter indûment à la Nation.
Avec ces décrets, le gouvernement donne des gages aux plus sécuritaires et aux plus démagogiques des parlementaires, il retarde aujourd’hui les soins de ceux qui sont déjà exposés à d’autres souffrances, pour leur accorder demain, mais seulement dans l’urgence, des soins tardifs toujours plus coûteux pour notre collectivité nationale.
Surtout, pour tous ceux qui croient aux droits de l’Homme, cette restriction de l’accès aux soins est choquante, car elle est attentatoire aux droits fondamentaux et à la dignité de la personne humaine.
Attendre l’urgence vitale pour enfin soigner des malades, après les avoir laissé souffrir et s’aggraver en l’absence de tout soin, est ce cela que propose notre pays ?
Le pays qui a inventé l’ingérence humanitaire décide donc d’un terrible renoncement moral. Et il renonce sur son propre sol. L’ingérence humanitaire c’est bien entendu pour les autres !
Notre pays renonce aussi à ses engagements internationaux. Ceux contenus dans la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ». N’est il pas inhumain de refuser des soins et de laisser souffrir des êtres humains en attendant que leur état de santé, physique et psychologique, soit suffisamment dégradé pour justifier l’urgence médicale ?
Nous ne pouvons rester silencieux devant de tels drames individuels et devant une telle désertion morale.
A quoi sert une République ? Vraisemblablement à procurer à ceux qui y vivent, quelle que soit la raison de leur présence, un peu plus de bien être. C’est son essence, sa raison d’être. L’atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ne saurait être un outil de la régulation de l’immigration.
Arrêtez de nous faire honte !
Mouloud AOUNIT (Secrétaire général du mouvement contre le racisme et pour l’amitié en les peuples – MRAP), François CHEREQUE (secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail – CFDT), Jean-Pierre DAVANT (Président de la mutualité française), Jean-Pierre DUBOIS (Président de la Ligue des droits de l’Homme – LDH), Nathalie FERRE (Présidente du groupe d’information et de soutien des immigrés – GISTI), Jean GASOL (Président de Solidarité Laïque), Françoise JEANSON (Présidente de Médecins du Monde – MDM), Alain OLIVE (Secrétaire général de l’union nationale des syndicats autonomes), Marcel ROYEZ (Secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés – FNATH), Christian SAOUT (Président de AIDES), Bernard THIBAUT (Confédération générale du Travail – CGT).
Paris, le 11 octobre 2005