Le gouvernement est-il prêt, est-il décidé, à s’engager pour la mise en œuvre de l’engagement du candidat François Hollande concernant le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers ? Si la réponse est oui, il a un sérieux problème de communication. Après qu’un quotidien national du matin ait trompeté qu’il y renonçait, il se tait. Puis, explique, par les voix convergentes de sa porte parole et de son premier ministre que « c’est compliqué », « pas pressé, en tout cas pas prioritaire », que « la crise d’abord »… A ce stade, ce n’est plus un flottement, c’est un échouage, comme dans « échouer », ou comme dans « échec ».
Répétons avec fermeté que cette mesure n’est pas « luxueuse » ; elle est en retard sur nombre de pays européens. Elle vise à combler le déficit démocratique aussi important que malsain qui divise la population de nombreuses villes en une population de citoyens électeurs d’un coté, et une autre, privée de vote. Elle vise à rétablir une égalité de traitement entre résidents étrangers européens et étrangers résidents non européens, les seconds étant privés de ce dont bénéficient les premiers. Elle constitue enfin un élément parmi d’autres pour contrer les effets délétères de la crise sociale et économique en confortant l’effectivité de la notion d’égalité.
C’est dire que sa dimension emblématique n’est pas que symbolique ; elle est enracinée, profondément, dans le sol des contradictions économiques, sociales, idéologiques que la promesse du « changement, maintenant » vise à résoudre.
La droite a parfaitement saisi l’hésitation fatale qui semble paralyser l’exécutif ; elle redouble d’efforts et de hurlements pour lui faire barrage, excipe d’une pétition nationale et se légitime d’un renversement de l’opinion publique dont attestent les sondages et qu’elle a, dans une large mesure, provoqué. Elle le fait moins pour contrer l’élargissement du corps électoral que pour alimenter une pédagogie du renoncement.
Autant de raisons qui devraient conduire le gouvernement à faire preuve de détermination. Reculer dans ce contexte tendu, reviendrait à adresser un message de désespoir a tout le monde « désolé, finalement, c’est trop dur » ; c’est aussi dire clairement qu’une partie de la population qui vit en France ne mérite pas qu’on se batte pour ses droits ; c’est enfin avouer un état de faiblesse que la droite se hâtera d’exploiter, jusqu’à provoquer la crise dont d’ores et déjà elle rêve a voix haute. Bref, ce serait pire qu’une erreur, ce serait une faute. Le faire au prétexte de la difficulté des temps serait un suicide.
C’est si vrai que le maire de Paris, engagé de longue date dans cette revendication pour la démocratie, en est venu à hausser le ton pour rappeler que le gouvernement à le droit d’échouer, mais pas celui de renoncer.
C’est fort bien vu. C’est pourquoi il nous revient de tout faire pour rappeler aux élus locaux, aux députés, aux ministres, que cette revendication est juste ; que nous y tenons ; et qu’une grande partie de l’avenir est suspendu à sa réalisation.