Une pièce de l’écrivain Peter Handke, dont les positions politiques à l’égard de la Serbie sont connues depuis longtemps, a été programmée puis déprogrammée de la saison prochaine de la Comédie Française. Cette décision aurait été prise au motif que l’écrivain a assisté, ce qu’il ne conteste pas, aux obsèques de Milosevic, et qu’il y aurait tenu des propos pro-Milosevic, ce qu’il conteste, propos rapportés par le Nouvel Observateur qui n’a pas publié la lettre de réponse de l’écrivain. Le dernier argument invoqué est que la Comédie Française ne doit pas faire à cet auteur de publicité après qu’il a commis un « outrage aux victimes ».
Marcel Bozonnet, administrateur de la Comédie Française, reconnaît pourtant que la pièce, intitulée « Voyage au pays sonore ou l’art de la question », écrite il y a 17 ans, « ne fait pas œuvre de propagande ».
L’Observatoire de la liberté d’expression en matière de création de la LDH dénonce cette attitude qui consiste à censurer l’œuvre d’un auteur, au motif des idées, politiques ou autres, qu’il exprime hors de son œuvre. Si les propos tenus hors de l’œuvre sont contestables, ils doivent l’être dans l’espace du débat. S’ils sont répréhensibles pénalement, il appartient à ceux qui s’en émeuvent de saisir la justice.
Mais confondre l’œuvre et l’écrivain est une régression qui justifie n’importe quelle censure.
Accepter cela reviendrait par exemple à admettre qu’on ne doit plus monter au théâtre Céline ou Jean Genet. Ce type de raisonnement n’a aucune limite, et menace évidemment les livres eux-mêmes, puisqu’il n’y a aucune raison de s’arrêter aux représentations théâtrales.
L’Observatoire de la liberté d’expression en matière de création de la LDH demande solennellement à Marcel Bozonnet de revenir sur sa décision.
Paris, le 4 mai