Le 12 octobre 2006, un écrivain, E. Benier Burckel, et son éditeur, Flammarion, vont comparaître, pour avoir écrit et publié un livre, Pogrom, devant le Tribunal correctionnel de Paris, sur plainte du procureur de la République. Ainsi, le parquet de Paris, reprenant une vieille tradition répressive qu’on croyait révolue, à la simple lecture d’une polémique entamée dans la presse par un autre écrivain et un autre éditeur, demande une sanction pénale contre un roman.
Pogrom est poursuivi pour provocation et injure antisémites. L’Observatoire de la liberté d’expression en matière de création, placé sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme, et composé de personnalités d’expériences variées, militantes ou non, d’associations de critiques (AICA), d’artistes (FRAAP), de fonctionnaires de la culture, de sociologues, historiens, philosophes, juristes, écrivains, s’est penché attentivement sur ce qui lui semble être et rester un roman, c’est-à-dire une œuvre de fiction, dont les personnages, quand bien même tiendraient-ils des propos abjects, ce qui n’est pas une nouveauté en littérature, restent
des personnages.
Aussi, sauf à ce que l’intention du parquet soit de revisiter l’ensemble de la littérature aujourd’hui disponible, depuis Shakespeare jusqu’à Simenon, pour la passer au crible d’une loi qui ne devrait pas avoir à s’appliquer à la littérature puisqu’elle a été pensée pour la presse et le débat politique, l’observatoire tient à rappeler que, sans liberté de création, aucune œuvre ne pourrait s’autoriser à représenter un délit, qu’il soit de presse ou autre.
Plus grave encore, ce livre, dont on a parfaitement le droit de penser qu’il est de la piètre ou de la bonne littérature, ce qui ne change rien au propos, est poursuivi pour pornographie, sur le fondement de l’article 227-24 du code pénal. Voilà donc que le parquet de Paris emboîte le pas de l’association d’extrême droite Promouvoir, qui avait poursuivi les ouvrages de M. Houellebecq, Plateforme, et L. Skorecki, Il entrerait dans la légende, devant le tribunal correctionnel de Carpentras. La Cour de cassation, après la Cour d’appel de Nîmes, y avait mis bon ordre, rappelant que le ministre de l’Intérieur n’ayant pas interdit ces ouvrages, le juge pénal n’avait pas à les condamner.
L’Observatoire attend avec gourmandise les explications du parquet sur le délit de pornographie, dont le Conseil d’État indique que celle-ci est constituée quand il y a pénétration non simulée, ce qui, pour un texte littéraire, relève d’un exploit peu probable. Il espère que le TGI de Paris sera le gardien des libertés fondamentales auxquelles la Ligue des droits de l’Homme reste inébranlablement attachée, et refusera de considérer que la littérature relève du « message » visé par l’article 227-24.
Paris, le 2 octobre