19 mars – Turquie au tournant de la démocratie

Grâce à ses récentes réformes législatives, la Turquie a déjà accompli d’immenses progrès sur la voie des libertés démocratiques. Comme, à nouveau, elle s’apprête à faire voter divers amendements à sa Constitution et à son Code pénal, le Collectif souhaite que soient évités les compromis et les demi-mesures qui ne permettraient pas d’effectuer les véritables progrès attendus parla population. Par ailleurs, étant donné l’aggravation des violations des droits fondamentaux en 2007 par rapport à l’année précédente, nous exhortons les autorités à veiller à faire appliquer de telles réformes sur le terrain.

 

Liberté d’expression

Le Collectif est fortement préoccupé par l’absence de rigueur dans la législation turque, qui favorise l’interprétation abusive d’articles imprécis du Code pénal et des lois antiterroristes. C’est pourquoi, il est à déplorer que le gouvernement se satisfasse de telles ambiguïtés, et permette que des milieux extrémistes les utilisent pour harceler écrivains, journalistes, éditeurs, artistes et défenseurs des droits de l’Homme qui expriment pacifiquement leurs points de vue.

 En 2007, plus de 260 personnes ont été inculpées pour délit d’opinion. Cinquante-cinq d’entre elles, dont 34 journalistes, ont été poursuivis à cause de l’imprécision de l’article 301 du Code pénal1[1]. Comme le gouvernement a promis « d’amender » cet article, le Collectif est préoccupé par la crainte d’y voir maintenu des ambiguïtés, et demande qu’il soit abrogé. En effet, même lorsque certains prévenus sont acquittés, comme l’a été le Prix Nobel Orhan Pamuk ou la romancière Elif Safak, ils sont de nouveau poursuivis en appel, ceci dans un climat de harcèlement d’extrémistes qui culmine avec le meurtre du journaliste Hrant Dink.

 

Tortures et violences policières

Bien que les cas de tortures alléguées aient officiellement diminué en Turquie, le Collectif constate que la Fondation pour les droits de l’Homme (TIHV) reçoit dans ses locaux plus de demandeurs de soins qu’auparavant, en dépit des efforts du gouvernement pour éradiquer les mauvais traitements. Il semble que ceux-ci soient souvent pratiqués à l’écart des prisons, lors des manifestations et dans les voitures de la police. En 2007, cette fondation a comptabilisé 406 demandeurs de soins après maltraitances alléguées, contre 337 en 2006.

De toute façon, le Collectif proteste contre les nouvelles lois antiterroristes qui, par exemple, prolongent à 24 heures la garde-à-vue au secret, s’élève contre l’ambiguïté des textes, et déplore l’absence de contrôles indépendants dans les prisons, la partialité des enquêtes judiciaires et l’utilisation par les tribunaux d’aveux extorqués sous la torture.

 

Culture de l’impunité

Le Collectif est particulièrement préoccupé par l’indulgence des tribunaux à l’égard des agents de l’État. Une telle impunité est inacceptable, notamment, lorsqu’elle protège des forces de l’ordre qui commettent des violences, des tirs injustifiés ou des tortures. Le dernier trimestre 2007 a compté de nombreuses exécutions extrajudiciaires commises par la police et davantage encore par l’armée. Bien que punies par la loi, de telles pratiques sont en recrudescence, et n’aboutissent à aucune enquête indépendante.

Le collectif est solidaire de tous les défenseurs des droits de l’Homme qui, en Turquie, se sont donné pour tâche de lutter en faveur de la paix, de la liberté et de la démocratie (Amnesty International Turquie , Association des droits de l’Homme (IHD), Helsinki Citizens’Assembly, Mazlum Der, TIHV,  etc.).

 

Membres du Collectif : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT); Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT); Assemblée européenne des citoyens (AEC-HCA France) ; Amnesty International France (AIF); Ligue des droits de l’Homme (LDH/FIDH)

 


 1 Cet article punit de six mois à trois ans de prison tout dénigrement de « l’identité turque », expression qui discrimine toutes les minorités ethniques ou religieuses, alevi, arabes, arméniennes, chrétiennes, juives, kurdes, ainsi que les défenseurs pacifiques des droits de l’Homme, cibles de persécutions inacceptables.

 

Paris, le 19 mars 2008

 

 

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