Thomas HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, était en visite en France mercredi 21 mai pour s’enquérir notamment de la situation des Gens du voyage et des Roms migrants. Après une visite en septembre 2005, Alvaro GIL-ROBLES, son prédécesseur, avait fermement dénoncé dans un rapport sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, les discriminations dont sont victimes les Gens du voyage (manque d’aires de stationnement, difficultés d’accès à la scolarité, droit dérogatoire en matière d’identification, situation juridique d’exception qui restreint leurs droits civils et civiques) et les Roms migrants (conditions de vie dans les bidonvilles, absence de droit au travail, violence des expulsions et des pratiques policières).
Le nouveau Commissaire a choisi de recueillir collectivement – dans les locaux de
Les associations présentes avec le CNDH Romeurope à cette rencontre (ASAV , FNASAT-Gens du voyage,
Les premiers, qui sont citoyens français, subissent encore les mesures discriminatoires de la loi du 3 janvier 1969, avec notamment l’obligation du carnet ou livret de circulation et d’un rattachement administratif durant trois ans à une commune pour être inscrit sur les listes électorales (6 mois pour les autres citoyens). L’habitat en caravane, y compris pour les « Gens du voyage » sédentarisés n’est toujours pas reconnu comme un logement avec les droits sociaux qui y sont liés. La mention stigmatisante « SDF » est encore souvent apposée sur leurs pièces d’identité avec une domiciliation par les services sociaux ou les associations, ce qui complique l’accès à la scolarité (les Maires refusant alors de reconnaître leur résidence sur la commune) et aux soins. Enfin, les associations déplorent que seulement 25% des aires d’accueil depuis
Sédentaires dans leur pays d’origine, les Roms migrants en France connaissent des difficultés amplifiées par une situation de très grande pauvreté : problèmes de domiciliation, refus des maires de scolariser les enfants, difficultés d’accès aux soins de base (seulement 10% des femmes enceintes bénéficient d’un suivi de grossesse, la plupart des enfants ne sont pas vaccinés, des épidémies de tuberculose se développent, liées aux conditions sanitaires déplorables dans lesquelles les Rroms sont maintenus, les équipes de santé sont parfois empêchées de se rendre sur les terrains…).
Ils cumulent ces handicaps avec ceux liés au statut d’étranger, qui – même après l’entrée des pays d’origine dans l’Union européenne au 1er janvier 2007 – reste toujours synonyme d’exclusion. Au-delà de trois mois en effet, leur séjour régulier en France est soumis à des conditions de ressources auxquelles il est très difficile de satisfaire, l’accès à l’emploi étant bloqué du fait de la complexité et des exigences de la procédure pour obtenir une autorisation de travail, même pour ces citoyens européens. Le dénuement auquel ils se trouvent acculé sert alors de prétexte pour évacuer leurs lieux de vie dans le cadre d’opérations de retour organisées de façon conjointe par la police et l’ANAEM. Un témoignage direct, concernant l’opération conduite le 30 avril dernier à St Denis, a été présenté au Commissaire, illustratif des méthodes employées maintenant de façon habituelle : 200 policiers accompagnés d’agents de l’ANAEM ont bouclé le terrain et fait sortir les familles des baraquements. La plupart des personnes ont été contraintes (sous la menace d’être conduites au commissariat et incarcérées) de signer simultanément des Obligations de Quitter le Territoire Français et des formulaires de demande d’aide au retour « humanitaire » de l’ANAEM. Ces pratiques mettent en lumière la contradiction totale entre la politique de retour mise en œuvre par le gouvernement et la liberté de circulation qui prévaut au sein de l’Union européenne. Par ailleurs ce dispositif est tout à fait inefficace au regard de l’objectif affiché de résorption des bidonvilles. La plupart des Roms rapatriés « volontaires » reviennent rapidement en France où leur nombre (environ 6 à 10 000) reste constant depuis 1989 ; Ces errances contraintes fragilisent encore plus ces personnes dans leurs projets de vie en construction (insertion professionnelle, scolarisation, soins…).
Pour sortir de l’impasse, il est urgent de mettre en œuvre une véritable politique de coopération avec les pays d’origine, à travers des programmes de lutte contre la pauvreté et les discriminations dont sont victimes les Roms. En la matière, aucune retombée concrète n’est à attendre de la convention que le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement s’est engagé à signer avec l’Agence Nationale pour les Roms en Roumanie, si l’on considère l’absence totale de moyens dont dispose cette dernière.
Toutes les associations espèrent que ces constats donneront lieu à des recommandations fortes du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe à l’adresse des autorités françaises, appuyant les recommandations déjà élaborées par :
– la HALDE dans sa délibération du 17 décembre 2007,
– le Comité des ministres des Etats membres sur les politiques concernant les Roms ou les Gens du Voyage du 20 février 2008,
– la résolution du Parlement Européen sur une stratégie à l’égard des Roms du 31 janvier 2008,
– le rapport établi par
– l’interpellation de la présidence française de l’Union Européenne adressée en avril 2008 par l’ensemble des associations présentes à cet entretien et d’autres qui étaient excusées : ANGVC, CCFD, Ligue des droits de l’Homme, Secours catholique.
Notre souhait est qu’enfin, des réponses constructives et effectives sur le terrain soient apportées, pour que le mode de vie spécifique des Gens du voyage soit enfin reconnu et que les Roms migrants puissent trouver en France un accueil digne et, s’ils le souhaitent, durable.
Le
Paris, le 22 mai 2008.