Dans un acte antidémocratique d’une extrême gravité, le parlement israélien a voté, le 7 novembre 2001, la levée de l’immunité parlementaire du député arabe Azmi Bishara. Le conseiller juridique du gouvernement d’Ariel Sharon, qui exerce également la fonction de procureur général, a désormais les mains libres pour engager des poursuites contre Bishara, et le traduire en justice comme il l’en menace depuis plusieurs mois.
Réservée jusque là à des députés suspectés de corruption ou d’autres délits d’ordre criminel, la levée de l’immunité parlementaire s’applique ici pour des motifs politiques, à l’égard d’un élu arabe auquel on reproche un délit d’opinion. En effet, Bishara est sanctionné pour avoir prononcé à Damas (où il se trouvait en toute légalité) un discours où il appelait les pays arabes à adopter une position unifiée de soutien à la résistance des Palestiniens contre l’occupation israélienne. Par ailleurs, Bishara est accusé d’avoir organisé des voyages pour des familles arabes israéliennes qui souhaitaient revoir leurs proches et parents réfugiés en Syrie. Ces voyages, qui ont donné lieu à des scènes de retrouvailles poignantes, répondaient à un strict souci humanitaire.
Azmi Bishara est député à la Knesset depuis 1996, où il est l’unique représentant du parti qu’il a fondé et qu’il dirige : l’Assemblée nationale démocratique, dont le mot d’ordre est la transformation d’Israël en État de tous ses citoyens. Ce philosophe de formation est un porte-parole talentueux et courageux des citoyens arabes d’Israël, qui souffrent de discriminations constantes, plusieurs fois reconnues et dénoncées par la Cour suprême d’Israël. Rappelons que ces citoyens arabes sont des Palestiniens autochtones, restés dans le territoire israélien lors de la guerre de 48, alors que leurs frères prenaient la route de l’exode et des camps de réfugiés. Ils étaient 150.000 lors de la création de l’État d’Israël, et sont aujourd’hui un million, soit environ un citoyen israélien sur cinq.
Au delà de son poids électoral, il ne fait aucun doute que Bishara mène un combat démocratique de première importance : au printemps 1999, il fut le premier candidat arabe à l’élection du poste de Premier ministre d’Israël. En février 2001, il fut l’artisan principal du boycott des élections, suivi par 85% des électeurs arabes. Ce boycott était la suite logique des événements tragiques d’octobre 2000, lorsque treize jeunes citoyens arabes furent tués par la police et par des commandos juifs extrémistes, sous l’œil indifférent du gouvernement d’Ehoud Barak.
Au-delà des accusations fantaisistes aujourd’hui retenues à son égard, c’est donc bien la capacité de Bishara d’exprimer (toujours de manière démocratique et non-violente) les aspirations des citoyens arabes d’Israël et leur solidarité avec leurs frères palestiniens, qui est sanctionnée par la Knesset. En levant son immunité parlementaire, Israël, qui se présente comme une démocratie, conforte le sentiment que la liberté d’expression y est réservée aux seuls citoyens juifs. À travers la personne de Bishara, c’est toute la population arabe d’Israël qui est visée et menacée de perdre son droit à l’expression politique.
C’est ainsi que lors de la même séance de la Knesset, une proposition de loi visant à interdire à toute liste soutenant la lutte armée contre Israël de se présenter aux élections législatives a été votée en première lecture à une écrasante majorité. Au-delà des électeurs arabes, solidaires de leurs frères palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, ce sont tous les opposants politiques, juifs et arabes, qui soutiennent le droit des Palestiniens à la résistance contre l’occupation, que l’on veut intimider et réduire au silence par cette vague formulation donnant prise à toute interprétation.
Nous appelons tous les démocrates à se mobiliser contre cette menace, et à rejoindre le comité de soutien international pour la défense d’Azmi Bishara. Ce comité a pour tâche d’organiser une campagne internationale de soutien, de recueillir des fonds et de contribuer à l’organisation de la défense juridique d’Azmi Bishara lors de son procès (collectif d’avocats et de juristes, convocation de témoins, etc.).
Les signataires de ce texte demandent la restauration de l’immunité parlementaire d’Azmi Bishara, ainsi que l’arrêt des poursuites judiciaires dont il est l’objet.
La LDH est membre du Comité de soutien à Azmi Bishara. Elle était réprésentée, ors de cette conférence de presse, par Gilles Manceron.