La justice est en crise. Ce n’est pas nouveau, et l’histoire des institutions est faite d’une curieuse et constante plainte à son égard. A vrai dire, elle n’a cessé de chercher sa place dans l’équilibre des pouvoirs. Montesquieu qui pourtant en faisait une de ses trois « puissances » estimait que son pouvoir était en quelque sorte nul, coincée qu’elle était entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. La Révolution qui sut mettre à bas le système absurde, archaïque et cruel de l’ancien régime et tenter un effort qui ne fut jamais renouvelé de transformation et d’adaptation connut néanmoins là un de ses plus cuisants échecs. Depuis, la justice vit sous le régime d’un système mis en place par Napoléon pour la maintenir sous le joug du pouvoir politique. Avec des soubresauts, des réformes, mais qui presque toutes ont échoué et en tout cas n’ont pas réussi à adapter aux besoins de la société un instrument qui a pour fonction, dans l’indépendance et l’impartialité de dire le droit en résolvant les conflits, de punir en respectant la présomption d’innocence, et plus généralement de protéger la liberté individuelle dont elle est garante C’est la justice pénale qui est le plus souvent mise en cause. Mais chacun sait que la façon dont fonctionnent la justice civile et la justice sociale n’est guère satisfaisante. Certes tout le monde s’accorde à dire que les tribunaux manquent de moyens mais chacun sait bien que ce n’est pas là seulement que se trouve le remède. La récente grève des avocats a révélé une carence inadmissible dans la défense des droits des plus déshérités et l’importante manifestation des magistrats devant la chancellerie, le malaise du corps judiciaire. Après de multiples rapports oubliés dans les tiroirs, de lois souvent défaites avant même d’être mises en application, la récente loi sur la présomption d’innocence a été, bien que difficilement, appliquée par des magistrats dépourvus de moyens. Le plus extraordinaire c’est que cette réforme a eu des résultats notamment en matière de détention provisoire. On peut donc progresser pourvu qu’on y mette un peu de volonté politique. C’est ce qu’a fait là le Parlement en imposant cette réforme dont le gouvernement avait présenté un projet bien timide. Mais la question de la justice et de sa crise ne peut se limiter à proposer des réformes. Il faut qu’enfin la République sache quelle est la place de l’institution judiciaire, ce que signifie son indépendance, par quels moyens est assurée sa légitimité démocratique, quelles garanties ont les citoyens de l’impartialité des juges, comment ceux-ci sont désignés, ce que signifie juger, et quels sont le sens et la raison de la peine. En ce domaine les pratiques s’enracinent dans le passé, s’expliquent par l’histoire qui a donné aux États des traditions juridiques et judiciaires souvent opposées. C’est sans doute en constatant ces divergences, en les surmontant, en essayant de construire un droit commun pour l’humanité face à la mondialisation de l’économie ainsi que des mécanismes judiciaires communs dans la construction européenne qu’on vaincra les archaïsmes qui paralysent actuellement le fonctionnement de l’institution. On ne saurait isoler la réflexion sans aborder ce que sont les insuffisances des pratiques dans tous les domaines où s’exerce la justice, que ce soit sur le terrain social, celui de la famille, le champ du droit pénal, la justice administrative. On ne peut négliger les acteurs, le coût, le temps, le langage, les relations avec les médias, la responsabilité des juges, mais c’est une vue d’ensemble qu’il faut essayer de dégager. Ce sont toutes ces réflexions que la LDH veut regrouper dans son Université d’automne pour permettre de mieux réfléchir à l’essentiel : ce que doivent être dans une société moderne le rôle et la signification de la justice. Thèmes abordés
2001 – RAPPORT ANNUEL – Introduction aux débats
Justice et société Qu’est-ce que juger, qu’est-ce que punir ? – Le juge, la loi et le contrat
Justice et temps Justice et Histoire – Mémoire, amnistie, droits de l’Homme
Justice et espace international
Justice et rapports sociaux Quelle est la place de l’État dans l’organisation du travail ? – La justice régule-t-elle, consolide-t-elle ou fait-elle progresser les rapports sociaux ? – La pénalisation des rapports sociaux
Démocratisation de la justice L’accès au droit : le temps, l’argent, la culture, le langage, les lieux – La participation des citoyens
Gouvernement, administration, justice Administration et justice : la dualité des ordres juridictionnels – Gouvernement et justice : une politique judiciaire est-elle souhaitable ? est-elle possible ?
Les acteurs et les méthodes de la justice Le juge et le procureur – L’avocat, le magistrat, le policier, les citoyens – Les ressorts du procès
Justice et Europe Les différentes cultures judiciaires européennes et leurs évolutions – Les rapports entre les nations et l’Europe judiciaire – La justice européenne et le citoyen
Justice, politique et médias
Pénalisation et judiciarisation