La Ligue des droits de l’homme s’associe à l’appel des organisations qui préparent la manifestation du 25 novembre 2000 et tient à faire le point sur la situation des étrangers demandeurs de titre de séjour.
L’ensemble des données a changé.
La circulaire de 1997 et celles qui l’ont modifiées n’existent plus, bien que leurs effets se fassent encore sentir tout particulièrement à Paris, où le Tribunal administratif continue d’examiner les demandes d’annulation d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pris à la suite des refus des préfectures.
La loi du 11 mai 1998, seule en vigueur aujourd’hui, s’applique dans son entier et dans toute sa rigueur. De nombreuses circulaires d’application sont venues restreindre les quelques ouvertures que nous y avions trouvées, la rendant aujourd’hui aussi sévère que les précédentes lois.
La Ligue des droits de l’homme constate qu’aujourd’hui la situation est loin d’être réglée, que ce soit pour les déboutés de la circulaire de 1997 que pour ceux qui demandent aujourd’hui un titre de séjour : l’hypocrisie et l’arbitraire ont trouvé leur place.
Hypocrisie par exemple quand la notion d’atteinte à la vie privée familiale ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de renvoyer toute une famille, y compris les enfants mineurs, puisqu’il n’y a pas de séparation des membres de ladite famille.
C’est ainsi que des familles dont les enfants sont nés en France, et dont les deux parents sont en situation irrégulière, n’ont même pas droit à un examen de leur dossier. Elles sont laissées dans la clandestinité la plus totale, avec la bénédiction des autorités qui ni ne les éloigne, ni ne les régularise.
Ils reviendront au grand jour dans quelques années, lorsque leurs enfants auront grandi.
En attendant, ils rejoignent la grande famille des clandestins au prix de longues et pénibles souffrances.
Hypocrisie vis-à-vis de ceux à qui l’on refuse la délivrance d’un titre de séjour au motif de l’absence de visa long séjour, dont l’expérience démontre qu’il faut compter une moyenne de 10 mois, voire plus, pour l’obtention dudit visa, quand il est accordé. Ceux qui ont accepté de repartir pour être en règle, font face aux tracasseries des consulats et sont soumis à une longue attente, sans avoir la certitude d’obtenir gain de cause.
Arbitraire, car dans des situations identiques, les titres de séjour sont accordés au cas par cas, avec une interprétation laissée à l’appréciation des préfectures, rompant ainsi avec le principe d’égalité.
Arbitraire par l’absence de transparence dans le traitement des dossiers, et l’opacité dont s’entoure l’administration, permettant ainsi toutes les dérives.
La stratégie du gouvernement se révèle au grand jour, stratégie de division des collectifs par des régularisations partielles, stratégie d’épuisement des soutiens de ces collectifs.
La grande famille des clandestins continue à s’agrandir par la faute de l’administration et du système mis en place, il faut le dénoncer haut et fort.
Cette situation est le résultat du refus du gouvernement d’organiser un débat sur l’immigration comme nous le réclamions dès son arrivée, de ne pas vouloir faire une nouvelle législation qui prendrait en compte des données aussi différentes que l’entrée et le séjour.
La France est le seul pays d’Europe a avoir laissé traîné le dossier des sans-papiers au nom d’un équilibre dont on voit bien aujourd’hui qu’il a atteint ses limites.
La persistance du délit du séjour irrégulier remplit les prisons de ceux qui n’ont commis comme faute que de d’être sans papiers ; les conditions « d’accueil » dans les zones d’attente et la dernière réforme des centres de rétention démontrent que le gouvernement explore de plus en plus la voie répressive envers les étrangers irréguliers.
Par peur ou par crainte d’on ne sait quel danger, cette absence de débat, de volonté de discussion, du choix délibéré de ne pas en parler et de laisser se dégrader la situation, porte une atteinte grave aux principes fondamentaux de notre pays qu’aucun démocrate ne saurait aujourd’hui tolérer.
Paris, le 15 novembre 2000