Au moment où la croissance revient dans notre pays, un certain nombre de personnes en sont exclues. Pire certains considèrent que ces personnes sont définitivement « inréinsérables ».
Plus on améliore les systèmes de protection et d’aide sociale, plus un certain nombre d’individus échappent aux filets de la protection sociale mis en place, plus leur réinsertion devient difficile. Pire, certaines aides mises en place semblent créer de véritables trappes à pauvreté dont les bénéficiaires semblent ne plus pouvoir sortir. Afin de remédier à cette évolution d’autant plus intolérable que la société globalement s’enrichit, certains, à gauche comme à droite, préconisent la mise en place d’un revenu minimum d’existence. Cette solution paraît séduisante à première vue mais n’est-elle pas utopique ? Peut-on imaginer qu’un tel revenu atteigne un niveau suffisant – nettement supérieur au RMI qui reste un minimum de survie – pour permettre à ses bénéficiaires d’avoir une vie normale ? Un tel RME n’est-il pas un moyen pour une partie de la société de se donner bonne conscience ?
Doit-on revenir aux principes qui ont prévalu à la mise en place du RMI, c’est-à-dire se battre pour que le « I » de RMI vive enfin et que l’on ne se satisfasse pas du fait que seulement 50% des bénéficiaires du RMI arrivent à signer un contrat d’insertion ? Si oui, il faut veiller à ce que l’insertion corresponde aux besoins réels des personnes concernées (l’insertion ne passant pas systématiquement par un emploi). Il faut également prendre en compte le risque d’exploitation de ces personnes dans certaines structures d’insertion. Cela suppose des moyens d’accompagnement social considérables et de nouvelles formes de travail social qui n’imposeraient pas une démarche préalable de la personne concernée, mais qui permettraient plus souvent d’aller au-devant de ceux qui en ont besoin, plutôt que d’attendre qu’ils viennent réclamer leurs droits à un guichet, et qui tiendraient compte du fait que ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui méconnaissent le plus leurs droits. Une telle démarche, si elle était généralisée, permettrait en tout état de cause d’intervenir beaucoup plus en amont, avant que l’état de la personne ne soit trop détérioré et que le RMI ne représente même, dans certains cas, un danger (notamment parce que les associations se refusent à mettre en œuvre les dispositifs de subrogation des droits).
Pour ce qui concerne les plus marginaux, la société semble de plus en plus se satisfaire d’un retour à un système caritatif qui nous replonge plus de 50 ans en arrière (cf. les soupes populaires…) et les questions d’accès aux droits les plus fondamentaux sont de plus en plus posées. Comment peut-on satisfaire des besoins élémentaires de la vie quotidienne quand on n’a pas de domicile ? Il y a là de réelles atteintes à la dignité humaine.
Ne doit-on pas s’interroger plus globalement sur l’évolution de notre société, sur les moyens quelle se donne en termes de prévention ? Comment enrayer le système en tenant compte du fait que ceux qui basculent dans l’exclusion sont, le plus souvent, les plus fragiles (cf. le très grand nombre de personnes qui ont connu les services de l’aide sociale à l’enfance parmi les SDF) ? Comment éviter les spirales de l’exclusion qui passe d’une génération à l’autre ?
Comment veiller à ce que ces questions soient prises en compte par les partenaires sociaux, à commencer par la lutte contre la précarité du travail mais aussi pour la question du temps de travail qui est bien différente pour un chômeur ?
Il faut enfin tenir compte du fait que ce qui exclut en premier c’est le regard de l’autre.
Paris, le 17 mai 2000