2000 – RAPPORT ANNUEL – Note sur la proposition de loi sur les sectes

Remarques générales

La LDH a toujours considéré que la lutte contre le phénomène sectaire devait éviter trois écueils :

  • porter atteinte aux libertés individuelles, y compris celle d’adhérer à un mouvement qualifié de sectaire ;
  • amener les pouvoirs publics à intervenir dans la définition et la pratique d’une foi ;
  • développer une législation spécifique.

La LDH considère, en effet, que :

  • Les pouvoirs publics n’ont pas à intervenir dans des choix individuels. Seuls l’exploitation, l’abus des engagements individuels peuvent donner lieu, dans certaines circonstances, à une intervention des pouvoirs publics.
  • Il n’appartient en aucune manière aux pouvoirs publics de définir ce qu’est une religion ou la pratique d’une foi. La laïcité de la République s’y oppose manifestement et si le juge administratif intervient en ce domaine, c’est au seul regard de la situation fiscale des associations qui doivent justifier, pour obtenir le statut d’association cultuelle, qu’elles ont bien pour seul objet la pratique d’une foi, sans que le juge n’intervienne jamais sur la définition de la foi.
  • Toute législation spécifique sur les sectes recèle des dangers dès lors qu’elle intervient, en même temps, sur les libertés individuelles et sur la liberté d’association. Au surplus, elle ne vient, en quelque sorte, que pour pallier une certaine déficience de l’action des pouvoirs publics, même si la situation s’est considérablement améliorée grâce à l’action de la Mission interministérielle. Cependant, la LDH peut entendre qu’il soit nécessaire de mieux coordonner l’action légale en synthétisant dans un texte les possibilités d’action contre les pratiques sectaires.

Enfin, la présente note a un caractère provisoire et n’engage pas la position définitive de la LDH tant en raison de la complexité du sujet que des débats en cours.

L’examen des dispositions de la proposition de loi conduit à formuler les remarques qui suivent.

ARTICLE 1 :

1) Pourquoi ne pas avoir prévu les infractions relatives au travail clandestin et au marchandage de main d’œuvre éventuellement en lien avec d’autres infractions retenues ?

2) Il serait utile de prévoir que les condamnations relatives aux infractions au droit du travail puissent être imputées aux personnes morales.

3) La procédure à jour fixe n’est pas acceptable. Elle ne permet pas d’organiser la défense et entraînera des difficultés judiciaires que ne compensera pas une très éventuelle accélération de la procédure.

ARTICLE 4 :

Le fait de poursuivre et de condamner toute personne physique en cas de reconstitution et ne pas faire la différence entre les adeptes et les dirigeants n’est pas acceptable.

ARTICLE 6 :

Cet article est inopérant. Pour que le préfet procède à des interdictions, il faudra d’une part que la personne morale ait été déjà condamnée à plusieurs reprises et de manière définitive (au moins plusieurs années…).

Le bénéfice que l’on peut attendre d’une telle mesure se limitera à la période allant de ces condamnations à la dissolution soit un bénéfice très limité.

De plus, il convient de s’interroger sur les conséquences juridiques de la notion d’installation. S’agit-il de la propriété ? Si tel est le cas quid du préjudice subi par le propriétaire ? De la même manière s’il s’agit d’une simple location quelle sera la forme juridique de l’interdiction ? Comment le Préfet peut-il faire procéder à l’expulsion d’un lieu privé d’une personne morale titulaire d’un bail régulier ? Quid du préjudice éventuel du propriétaire des lieux ?

Si, en revanche, le sens de cette disposition est de considérer qu’elle ne peut s’appliquer qu’au moment de l’installation et devient inapplicable à l’instant où celle-ci a eu lieu, la portée de ce texte est considérablement réduite voire nulle.

ARTICLE 7 :

Là aussi on peut s’interroger sur la réelle portée de cet article compte tenu des observations qui viennent d’être faites à propos de l’article 6.

ARTICLE 8 :

La notion même de message destiné à la jeunesse est peu opératoire et trop large.

ARTICLE 9 :

Le principe même d’un délit dit de « manipulation mentale » soulève de sérieuses difficultés dans son principe.

La création d’un texte propre et les difficultés d’application qu’il ne manquera pas d’entraîner posent plus de questions qu’elles n’en résolvent.

Il paraît dès lors préférable de modifier les termes de l’article 313-4 du Code pénal relatif à l’abus de faiblesse en intégrant cette dimension de manière générale

L’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son age, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, laquelle peut résulter notamment de pressions graves et réitérées ou de l’utilisation de techniques propres à altérer son jugement ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 2.500.000 F d’amende.

Paris, le 6 septembre 2000

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