Le projet de réforme du droit de la famille d’Élisabeth Guigou réactive le débat sur l’accouchement sous X ; ce débat se situe entre les revendications des organisations de droits des femmes d’une part, des porte-paroles du droit des enfants abandonnés, d’autre part.
Malgré les aménagements de la loi de 1993, un douloureux antagonisme demeure entre le droit à l’anonymat d’une femme qui accouche sous X et le risque d’un enfant de se voir privé de sa filiation, ce qui contrevient à l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Connaître ses origines est un droit pour l’enfant. La souffrance ou l’angoisse chez une jeune femme ou jeune fille contrainte de recourir à l’abandon doit être également prise en compte.
Cependant, à court et long terme, il s’agit de dépasser ce conflit de droit. Les solutions législatives, comme les mesures sociales d’accompagnement, devront travailler à concilier la possibilité pour l’enfant de connaître les débuts de son histoire familiale -adoption ou pas- et la nécessité pour la mère d’être protégée par l’anonymat. Cela pourrait se faire en instituant l’établissement, à la maternité comme à la DASS, d’un dossier accessible à l’enfant qui le demanderait. Ce dossier contiendrait des éléments (non identifiants) suffisants pour reconstituer au mieux « l’histoire de la naissance ». Pour la mère, le délai de rétractation pourrait être maintenu à trois mois, avec un accompagnement et une information optimale par des intervenants compétents dans le cheminement de sa prise de décision.
Surtout, un « principe de discrétion » pourrait être substitué au secret absolu de l’anonymat, préjudiciable à l’enfant mais aussi, à plus long terme, peut-être, à la mère. Ainsi les instances qualifiées seraient plus à même d’aider un jour un enfant dans l’éventuelle recherche de ses parents biologiques. En tout état de cause la révélation de l’identité de la mère doit rester subordonnée à l’accord de celle-ci
Ces propositions de compromis évitent d’enfermer les situations dans un cadre irréversible et d’hypothéquer l’avenir de part et d’autre. Elles constituent des solutions transitoires conformes aux intérêts de la mère et de l’enfant, conformément à l’évolution de la société vers plus de droit mais aussi plus de responsabilisation des individus.
Ces aménagements auraient aussi pour effet de lever les obstacles rencontrés aujourd’hui par un père dans la recherche de son enfant né sous X.
Paris, le 25 novembre 2000