Appel d’Action Birmanie cohérence et d’associations et personnalités belges : La Birmanie, rebaptisée Myanmar par la junte militaire au pouvoir : un concentré de crimes internationaux Cela fait plus de dix ans que cela dure. Plus de dix ans que le peuple birman est la victime quotidienne de l’un des régimes militaires les plus barbares de la planète. Pire qu’une démocratie bafouée, il s’agit d’un véritable concentré de crimes internationaux : cela commence par le massacre, en 1988, de milliers de manifestants, étudiants et moines bouddhistes qui demandaient seulement démocratie et liberté d’expression, une sorte de Tien An Men avant l’heure dont quasiment personne ici, en Europe, n’entendra parler. Cela se poursuit par la volonté populaire foulée aux pieds. En effet, suite à ces massacres, la junte, forcée d’organiser en 1990 les premières élections démocratiques de Birmanie, en annule les résultats. La victoire de Aung San Suu Kyi et de son mouvement non-violent, la Ligue nationale pour la démocratie (L.N.D.), est par trop éclatante puisque la L.N.D. remporte 82% des sièges du Parlement. Ce Parlement ne sera jamais convoqué. Beaucoup d’élus, ainsi que Aung San Suu Kyi, sont placés en résidence surveillée, d’autres, moins connus, sont arrêtés, emprisonnés et torturés. Le prix Nobel de la Paix reçu par Aung San Suu Kyi en 1991 n’y change rien puisque cela continue aujourd’hui encore, d’après les Nations Unies, avec des exécutions sommaires, la pratique de la torture, et surtout, le travail forcé pour des centaines de milliers de Birmans, hommes, femmes et enfants. Ceux-ci sont utilisés aussi bien dans la construction de chemins de fer ou d’infrastructures touristiques que comme boucliers humains ou comme « exploseurs de mines », par les militaires de la narco-dictature TOTAL : premier sponsor de la dictature birmane
La firme pétrolière française TOTAL a choisi de devenir le sponsor numéro un dans le monde de l’ensemble de ces exactions. Celle-ci a en effet initié depuis 1995, avec la firme pétrolière américaine UNOCAL Corp., une joint-venture avec la compagnie pétrolière gouvernementale birmane MOGE (Myanma Oil and Gas Enterprise) ayant pour but l’exploitation du gisement gazier de Yadana et la construction d’un gazoduc. Ce projet, évalué à 1,2 milliards de dollars, constitue le premier investissement en Birmanie et y a représenté jusqu’à présent plus d’un tiers des investissements étrangers. Aujourd’hui achevé, il devrait, selon les prévisions, procurer à l’Etat birman un revenu annuel estimé entre six et quinze milliards de francs belges. Or, plus de 40% des dépenses du secteur public du Myanmar sont consacrés à l’armée et son effectif est passé, depuis que la junte a pris le pouvoir en 1988, de 180.000 à 350.000 hommes et cela, alors que la Birmanie n’est pas un pays en guerre. Il est donc évident que les bénéfices générés par le gazoduc seront principalement utilisés par les dirigeants birmans afin de continuer à asservir et opprimer leur peuple grâce à une armée surpuissante.
Ainsi, Madame Aung San Suu Kyi a déclaré en 1996 : « Les investisseurs ne devraient pas s’implanter car tout l’argent va à une élite. Je tiens à mentionner la firme française TOTAL qui est devenue le plus fort soutien du système militaire birman. Ce n’est pas le moment d’investir ici. » Afin d’être bien comprise, elle précise sa pensée dans un discours enregistré à Rangoon en 1996 : « Nous voulons que la Birmanie soit libre et prospère. Nous ne sommes pas anti- business mais nous nous opposons aux investissements en Birmanie aujourd’hui car notre véritable maladie n’est pas de nature économique mais bien politique. Ce dont nous souffrons vraiment, ce n’est pas d’un manque d’investissement ou d’infrastructure mais de mauvaise gestion politique (misgovernance) . Jusqu’à ce que nous bénéficiions d’un système qui garantit les règles de droit et les institutions démocratiques minimales, pas une once d’aide ou d’investissement ne bénéficiera à notre population. »
Le 19 février 1998 dernier, le Parlement européen a voté une résolution explicite dans laquelle il appelle pour la deuxième fois les entreprises européennes à quitter la Birmanie tout en réaffirmant son opinion que « les investissements étrangers en Birmanie sont une contribution financière importante à la junte tout en n’arrivant pas à apporter le moindre bénéfice direct au peuple birman ».
Ces appels ne sont pas restés sans réponse : les firmes Pepsi, Levi’s, Interbrew, Carlsberg, Heineken, Reebok, C&A, Hewlett-Packard, Ericsson, d’autres encore ont choisi d’ores et déjà de se retirer de Birmanie.
En renouvelant son soutien à la junte militaire par sa présence intéressée en Birmanie, la firme TOTAL a choisi de contrevenir à cet appel du Parlement européen tout en niant les avertissements sérieux d’organisations aussi autorisées que les Nations Unies ou l’Organisation internationale du travail.
PETROFINA : co-sponsor des crimes internationaux commis en Birmanie.
Récemment, la société PETROFINA, fleuron de l’industrie belge, a uni son destin à la firme française TOTAL afin de former une nouvelle multinationale désormais baptisée TOTAL-FINA. Rompant avec une réputation relativement « propre » dans le monde des pétroliers, PETROFINA s’associe donc avec le plus fort soutien du régime militaire birman, selon Aung San Suu Kyi elle-même. Dans le même temps, faisant peu de cas des multiples rapports internationaux dénonçant les crimes actuellement en cours en Birmanie, PETROFINA contrevient à l’appel du Parlement belge qui, dans une résolution votée le 4 février 1999 à l’unanimité des 131 députés présents, demande au gouvernement belge de faire pression sur l’ensemble des entreprises belges afin que celles-ci cessent toutes relations commerciales avec la Birmanie.
Remplir son réservoir chez TOTAL ou chez FINA revient à soutenir la dictature militaire birmane!
Aujourd’hui, nous sommes choqués d’apprendre que la première entreprise belge va s’associer au soutien direct de l’un des régimes les plus sanglants du monde, un régime qui nie la démocratie et bafoue tous les droits, ceux de l’homme et du travail, les plus élémentaires.
Nous ne pouvons, sur un plan éthique, qu’arriver à une conclusion simple : continuer à nous approvisionner en carburant auprès des pompes à essence TOTAL ou FINA signifie soutenir, au moins indirectement, la continuation des crimes internationaux actuellement en cours au Myanmar. En tant que citoyens ou associations bénéficiant des libertés démocratiques au sein d’un État de droit, il ne nous est plus possible de verser de cette essence-là à l’intérieur de nos réservoirs. Il s’agirait pour nous d’une complicité silencieuse.
De même, du point de vue de la défense de la démocratie, nous choisissons de répondre positivement aux appels des seuls représentants légitimes du peuple birman. Vainqueurs haut la main des dernières élections libres organisées en Birmanie, les députés de la Ligue nationale pour la démocratie (L.N.D.) et leur leader madame Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, nous demandent depuis leurs prisons ou résidences surveillées de concourir à la cessation de toutes relations commerciales avec l’actuel Myanmar. Nous ne pouvons que respecter la volonté des seuls élus du peuple birman en choisissant de cesser de nous approvisionner auprès des pompes TOTAL et FINA.
Enfin, d’un point de vue politique, nous tenons à souligner le caractère tout à fait exceptionnel de la situation de la Birmanie. D’une part, il existe un appel à cesser momentanément toutes relations commerciales avec la Birmanie qui provient de l’intérieur du pays lui-même et ce par l’intermédiaire des représentants du peuple. D’autre part, et c’est important, ces seuls représentants légitimes du peuple birman constituent une alternative politique réaliste et crédible qui nous convainc de la réelle efficacité de pressions économiques sur l’actuel régime militaire en vue du rétablissement du processus démocratique interrompu en 1990. Enfin, ces pressions seront d’autant plus efficaces que le régime militaire est aujourd’hui exsangue et dépend, pour sa survie, des investissements étrangers.
Le précédent connu, comparable à cette situation, est celui de l’Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid : un appel provenant de l’intérieur du pays combiné à une alternative politique crédible ont permis d’aboutir au succès du processus de transition démocratique que nous connaissons.
Notre objectif, en répondant à l’appel des représentants du peuple birman, est donc clair : « déforcer » le régime militaire au pouvoir et renforcer la seule alternative politique crédible, celle des démocrates.
Appel à la consommation responsable
Pour toutes ces raisons, et parce que nous pensons que nos jugements éthiques et nos convictions démocratiques ne peuvent prétendre à une certaine légitimité que par et dans l’action quotidienne, nous, citoyens, organisations citoyennes, syndicats, entreprises belges :
- nous engageons personnellement à ne plus nous approvisionner ni en essence ni en mazout de chauffage (ainsi que tout autre produit dérivé) auprès des firmes TOTAL et FINA ;
- appelons l’ensemble des citoyens belges, en cohérence avec leur propre jouissance des libertés fondamentales et dans l’esprit d’une consommation responsable :
- à ne plus s’approvisionner ni en essence ni en mazout de chauffage auprès des marques TOTAL et FINA ;
- à faire pression sur leur entreprise ainsi que sur leurs autorités communales afin que celles-ci cessent également tout approvisionnement auprès des entreprises TOTAL et FINA ;
- appelons l’ensemble de nos élus démocrates à poser des gestes publics forts et concrets afin d’obtenir le rétablissement des élus du peuple birman dans leurs droits ;
- appelons les firmes pétrolières TOTAL et FINA à exercer toute leur force de pression afin d’obtenir des autorités du Myanmar le respect des droits humains fondamentaux et le rétablissement du processus démocratique interrompu en 1990.Nous reprendrons le chemin des pompes à essence TOTAL et FINA lorsque les représentants légitimes du peuple birman, à savoir les élus de la Ligue nationale pour la démocratie, nous feront savoir qu’un processus démocratique est suffisamment avancé pour que reprennent les relations commerciales entre la Birmanie et le reste du monde.