C’est un rude coup à la République qui vient d’être porté en Corse par ceux qui, chargés de la défendre, ont utilisé les méthodes criminelles de ses adversaires. Dans ce désastre il faut bien constater que l’institution judiciaire accomplit sa tâche dans l’indépendance la plus totale et avec une efficacité et une célérité qui forcent l’admiration. Cette justice qui sauve l’honneur est la justice « ordinaire ». Elle réussit à faire la lumière alors que depuis plus d’un an la justice spéciale dite « antiterroriste » patauge pour élucider les conditions dans lesquelles a été assassiné le préfet Erignac. Il est une nouvelle fois démontré à quel point il est absurde et dangereux de recourir à des méthodes et à des procédures d’exception, voire à des institutions spéciales pour défendre l’État de droit quelle que soit la gravité des dangers qui le menacent. Au-delà de la responsabilité pénale de ceux qui ont commis ces actes, il faut que soient clairement établies toutes les responsabilités et que la lumière soit faite sur ce qu’ont été depuis un an les pratiques et les comportements de la préfecture de Corse et du Groupement des pelotons de sécurité (GPS). Les rapports d’enquêtes administratifs doivent être rendus publics et une commission d’enquête parlementaire peut être créée. Pour que la confiance dans les mécanismes de la démocratie soit au plus vite rétablie, en particulier en Corse, il ne suffit pas que la justice passe, il faut aussi que les citoyens désemparés soient complètement éclairés. Paris, le 6 mai 1999