Depuis plusieurs années la LDH n’a cessé de s’inquiéter des conditions dans lesquelles fonctionnait la 14e chambre antiterroriste du Parquet de Paris, comme les juges d’instruction spécialisés dans ce domaine. Les conclusions de la commission d’enquête diligentée par la FIDH à la demande et avec le concours de la LDH confirme pleinement la réalité des critiques que nous avions émises. Au prétexte de mieux assurer la lutte contre le terrorisme il a été créé de véritables structures judiciaires d’exception dont le fonctionnement relève plus d’une justice qui se donne à voir que d’une justice rendue. L’absence de distance entre le Parquet et les juges d’instruction, le point donné aux seules investigations judiciaires, le refus de prendre en compte l’exercice réel des droits de la défense enferment les personnes poursuivies dans un système dépourvu des garanties qu’exige l’État de droit. Le recours à une conception extensive de « l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » que font prévaloir ces magistrats, aggrave encore les choses. Les véritables rafles auxquelles il a été procédé ressemblent plus à une pêche aux suspects qu’à des opérations de police judiciaire. Cette démarche est d’autant plus insupportable qu’elle risque de stigmatiser des personnes non à des raisons des faits qui peuvent leur être reprochés mais à raison de leur religion ou à leur appartenance à une collectivité. De telles pratiques conduisent à des détentions provisoires aussi longues qu’injustifiées, à des accusations reposant sur des indices impalpables, à des procès de masse où il est impossible à des avocats d’exercer correctement leur mission. Le « procès Chalabi » a confirmé ces analyses. La décision rendue par le tribunal correctionnel les illustre. Ce procès de masse a été organisé à des fins de spectacle dans un gymnase dépendant de l’administration pénitentiaire. Un grand nombre d’avocats ont estimé que leur meilleure façon de protester contre cette situation et de défendre leur client était de refuser de participer aux audiences. Le tribunal, qui siège et juge selon les règles du droit commun a relaxé près de la moitié de prévenus après que ceux-ci aient effectué de longs mois de détention provisoire. D’autres prévenus ont été condamnés à des peines bien moins lourdes que la durée du séjour en prison effectuée par suite des décisions du juge d’instruction. Ainsi, en cumulant ces détentions provisoires qu’il faut bien qualifier d’abusives, plus de 33 années d’emprisonnement ont été injustement subies. Il est temps de mettre un terme à une législation d’exception qu’ont pérennisé depuis 1986 tous les gouvernements qui se sont succédés aux pouvoirs et que cessent ces pratiques intolérables. Ce n’est pas ainsi qu’une démocratie se défend contre le terrorisme. Paris, le 22 janvier 1999