Pour remplir sa fonction sociale, la Justice a besoin d’inspirer la confiance, d’apparaître comme indépendante, impartiale et sereine. Le spectacle que vient de donner la Cour de Justice de la République provoque un profond sentiment de malaise que son arrêt est loin d’avoir apaisé. Ni les victimes, ni les ministres accusés, ni les citoyens ne peuvent être satisfaits par une telle justice : les victimes parce que, contrairement à la tradition française, elles ont été exclues du débat contradictoire ; les ministres relaxés parce que la mise en cause unanime de la Cour qui les a innocentés risque de ne pas mettre un terme définitif à l’insupportable soupçon qu’on faisait peser sur eux depuis des années ; ni le ministre déclaré coupable et dispensé de peine parce que l’incohérence de cette condamnation laisse subsister l’impression que c’est une responsabilité politique et non une responsabilité pénale qui a été sanctionnée. Les citoyens quant à eux ne peuvent que s’interroger une nouvelle fois sur les relations difficiles entre la politique et la Justice. Nos institutions répondent mal aux deux questions essentielles qui se posent à ce sujet : comment conduire la politique judiciaire de la Nation en respectant l’indépendance des juges ? Comment juger la responsabilité pénale des représentants du pouvoir politique dans l’exercice de leurs fonctions sans s’immiscer dans l’appréciation de leur responsabilité politique ? Une réforme urgente de nos institutions s’impose. Elle ne peut être laissée à la seule appréciation de commissions de spécialistes. Elle concerne tous les citoyens. Paris, le 10 mars 1999