Quatre jeunes filles, dans le Gard et dans l’Orne, sont interdites d’école parce que portant un foulard. Le Conseil d’État ouvre la voie à une abrogation de fait des dispositions de la loi Falloux limitant les subventions des Conseils régionaux aux lycées privés : une nouvelle fois, l’école publique est la victime de débats symboliques qui dissimulent les vrais enjeux. Puisqu’il existe un enseignement privé subventionné par les collectivités publiques, il doit être alors traité à égalité de charges avec l’enseignement public. Tel n’est pas le cas aujourd’hui : c’est l’école publique qui supporte l’essentiel des conséquences qu’engendre la situation sociale et économique que l’on connaît comme les très grandes insuffisances de la politique d’intégration. Si l’accroissement des moyens ne peut suffire à restituer à l’école publique son rôle, il n’est pas admissible que l’enseignement privé voit ses ressources accrues alors que, le plus souvent, la population qu’il touche n’est pas dans une situation aussi précaire. En laissant aux Conseils Régionaux, au prétexte de la création d’un enseignement technique dont on ne comprend pas qu’il échappe à la règle générale, la possibilité de financer, sans limites, les lycées privés, le Conseil d’État favorise, en fait, l’enseignement privé au préjudice de l’enseignement public au risque d’amplifier les phénomènes de discrimination. L’enseignement privé continuera à accueillir les populations les mieux intégrées socialement et culturellement en même temps que l’enseignement public verra s’accroître les différences entre ses établissements de prestige et ceux destinés aux moins intégrés. Cette quasi institutionnalisation de discriminations qui ont pour effet d’écarter du savoir des centaines de milliers de jeunes n’est pas acceptable, pas plus qu’il n’est acceptable que l’indispensable laïcité de l’école soit utilisée de manière discriminatoire. L’exclusion de jeunes filles d’un collège, à la seule raison qu’elles portent un signe religieux, ne ressorti nullement d’une défense de la laïcité à quelque titre que ce soit. Dès lors que ces élèves suivent l’intégralité des cours dispensés, elles sont en droit de bénéficier d’une scolarité normalement suivie. Alors que l’école représente pour ces jeunes filles, comme pour des centaines de milliers d’autres jeunes, la chance unique d’acquérir un savoir et un sens critique qui leur permettront de forger elles-mêmes leurs choix de vie, les exclure de l’enseignement public, c’est les enfermer dans un ghetto social et culturel qui leur interdira toute évolution, notamment en matière d’égalité entre hommes et femmes. Si on doit tout faire pour tenter de régler les problèmes de cette nature par le dialogue et la négociation, et si le corps enseignant doit toujours être associé à ce processus, il reste que l’exclusion de ces jeunes filles n’est pas la bonne solution. La LDH souhaite que l’école publique et laïque, qui reste une des pierres angulaires de tout contrat social, retrouve les moyens de son rôle et assure celui-ci sans discriminations. Paris, le 11 janvier 1999