EDITO La guerre est finie au Kosovo mais la paix n’y est pas encore faite. Comment vivre en paix lorsqu’on découvre chaque jour les signes visibles et incontestables de ce qui fut une abominable tuerie perpétrée par les bandes serbes à la solde de Milosevic ? Sous nos yeux, et sans que les bombes lâchées du ciel aient pu l’éviter, s’est déroulé un crime contre l’humanité, c’est-à-dire la pratique systématique d’atteintes graves aux personnes, d’actes inhumains organisés en exécution d’un plan concerté contre un groupe de populations civiles. Milosevic et ses acolytes ont été inculpés par le Tribunal pénal international de La Haye. Il s’agit là d’un pas en avant du droit, d’un fait d’une importance considérable sur la route qui mène à la construction d’un régime de droit mondial. Mais il faut maintenant que cette justice passe, que les coupables soient clairement identifiés et condamnés. Ainsi seulement pourront être évités les vengeances injustes, les crimes en réponse au crime. Voilà que déjà l’on constate des exactions contre les Serbes et les Tziganes du Kosovo, que les militaires de la KFOR doivent se transformer en policiers. Cette justice internationale doit montrer qu’elle est indépendante des puissances politiques qui ont combattu, impartiale, proche, visible, rigoureuse dans ses formes. Il faut que chacun puisse voir la force du droit se substituer à l’affrontement des armes. C’est une condition nécessaire pour que – et chacun sait à quel point il s’agit là aujourd’hui d’une gageure – les peuples différents qui se partagent cette terre martyrisée réapprennent à vivre ensemble dans le respect de la diversité de leurs cultures. Autrement les partisans de la purification ethnique auraient encore gagné. Et puis il va bien falloir panser les blessures. Celles du malheureux Kosovo mais aussi celles de la Serbie. Nous devons reprendre notre débat sur la guerre conduite en dehors de l’ONU par l’OTAN, la guerre des bombes et de leurs « dégâts collatéraux », et nous poser aujourd’hui la question de ce que nous appelons la Communauté internationale, de ses formes d’organisation, de ses lieux de décision, de ses droits, de ses responsabilités. Les pays riches qui ont mené cette guerre au nom du droit ne peuvent punir le peuple serbe de ce qu’ont fait ses dirigeants criminels. Le drame du peuple irakien victime du blocus venant après les bombes ne doit pas se renouveler. Nous ne saurions accepter qu’au nom du droit on accepte la misère comme substitut à la terreur.