En septembre a lieu une rétrospective du peintre Fernando Lerin au Palais des rois de Majorque à Perpignan, au profit de plusieurs associations, dont la LDH. Cette rétrospective s’inscrit dans un projet qui tient fort à cœur à Fernando Lerin, et qu’il développe dans un manifeste qu’il a intitulé L’utopie : « A l’heure où I’œuvre d’art n’est devenue qu’un placement, – comme on achète des sicavs -, il n’y a plus de monde de l’art, seulement un marché de l’art. L’œuvre d’art n’est qu’une signature et n’existe que par son prix. Quelques » vedettes « , fabriquées par les marchands et autres institutions tiennent le haut du pavé et le ferment. Rentabilité, spéculation et productivité sont les » maîtres maux » du système. L’artiste n’a plus d’alternative. S’il refuse de » jouer le jeu « , pour préserver sa créativité et son intégrité d’homme, cet accord avec lui-même se paie par une marginalisation de plus en plus poussée, des difficultés matérielles, une audience restreinte, etc. J’ai choisi cette vie sans concessions, en toute lucidité, depuis déjà plusieurs décennies et organisé ma vie en conséquence. Un choix que dorénavant je souhaite revendiquer publiquement. J’ai fait beaucoup d’expositions un peu partout dans le monde. Reconnu par mes pairs et au-delà, j’ai acquis peu à peu mes certitudes : je veux vivre pour l’art et non pas de l’art. Je ne peins pas pour faire carrière, ni pour faire de l’argent, je peins parce que c’est ma manière d’aimer et de communiquer. Devant la dégradation de plus en plus désespérante des valeurs qui m’importent, devant la difficulté à faire entendre sa voix dans cette cacophonie mercantile où je ne veux ni ne peux avoir ma place, face à la solitude du créateur dans un monde où même les possibilités de pure communication s’amenuisent, je propose de mettre en pratique » l’utopie » : – Lors de toute présentation d’un travail, mes tableaux seront vendus normalement au prix de ma cote (pour ne porter préjudice ni à mes confrères ni à mes collectionneurs). – Le montant de chaque vente ira directement à un organisme humanitaire participant au projet : Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty International, Secours Populaire, Ligue contre le Cancer, Aides contre le Sida. Un accord a été pris avec ces organismes qui assureront la diffusion de cette initiative auprès de leurs membres et donateurs. Incitation qui peut s’avérer stimulante et productive pour chacun des partenaires. Le projet se met en place à l’occasion de l’exposition Rétrospective de mon œuvre au Palais des Rois de Majorque à Perpignan, en septembre 1999. Ce n’est en aucun cas une opération ponctuelle, mais un projet de longue haleine. Je m’engage formellement à ce qu’il s’inscrive dans la durée. Ce projet n’est pas une oeuvre de charité. Nous avons tous donné une toile de loin en loin par générosité, pour l’exemple et la bonne conscience… Ce projet est un manifeste contre les structures mercantilistes du monde de l’art avec pour unique moteur le profit. Cette dégénérescence ne permet plus à l’artiste de vivre sa vie d’artiste : il doit survivre au risque de s’y perdre. Ce projet est un geste d’autodéfense pour pouvoir continuer d’exister. L’œuvre ne vit que par le regard des autres. Quand les toiles se meurent à l’atelier, quel artiste ne s’est posé la question : A quoi bon continuer ? Ce projet rend possible une autre circulation, une communication vraie et donne motivation pour continuer à créer. Le don des oeuvres leur confère un destin » utile » et me permet de soutenir, à ma mesure, les causes qui me tiennent à cœur. Ce n’est pas un hasard si art et altruisme se conjuguent. Que ceux qui se reconnaissent dans ce projet – et en ont la liberté -, nous y rejoignent. »