La réunion d’une conférence nationale à la fin du mois de janvier 1994 et la nomination d’un nouveau chef de État, le général LIAMINE ZEROUAL, n’ont pas modifié la situation de l’Algérie.
Depuis qu’a été prise le 11 janvier 1992 la décision d’interrompre une consultation électorale et d’arrêter un processus de transition démocratique qui avait fait naître l’espoir de mettre fin à un régime de parti unique, l’Algérie est déchirée par l’engrenage de violences antagonistes.
Violence des sabotages et des attentats, dont sont victimes de nombreux citoyens, en particulier des intellectuels porteurs d’idées nouvelles et des femmes parce qu’on veut les exclure de la vie publique.
Violence de la répression qui s’exerce dans le mépris croissant des libertés individuelles élémentaires – arrestations massives et détention sans jugement, tortures, condamnations à mort, exécutions sommaires – et dont le caractère en partie aveugle fait le jeu de l’intégrisme.
Le gouvernement et les oppositions islamistes sont enfermées dans une impasse.
C’est au peuple algérien, et à lui seul, qu’il appartient de trouver une issue à cette crise. Mais le devoir de réserve que nous nous imposons, ne nous condamne pas au silence.
Nous devons témoigner aux Algériens, sans doute le plus grand nombre, qui aspirent au rétablissement de la paix civile, l’intérêt que nous continuons à porter à leur pays. Puissance coloniale qui se présentait en défenseur des droits de l’homme, la France ne saurait oublier la nature exceptionnelle des liens qui l’unissent à l’Algérie, ni occulter sa part de responsabilité, au temps de la colonisation, certes, mais aussi depuis l’indépendance.
Nous devons rappeler la gravité de la crise sociale qui s’exprime confusément à travers la crise politique et qu’exploitent ceux qui utilisent la religion à des fins politiques.
Nous devons dire aux Algériens pourquoi nous gardons l’espoir qu’ils parviendront à mettre fin aux violences, à construire leur démocratie, à engager leur pays dans la voie du développement. Grandes sont les ressources civiques et sociales de leur peuple : sa jeunesse, son taux élevé de scolarisation, la sécularisation en cours de ses mœurs, la créativité de ses intellectuels.
Nous aiderons les Algériens à mettre fin au drame actuel par les initiatives que nous devons prendre dans notre pays .
En condamnant fermement les violations des droits de l’homme et le terrorisme en Algérie, il nous faut rappeler à notre gouvernement qu’il doit respecter les principes élémentaires du droit d’asile : tout algérien entrant dans les conditions d’application de la convention de Genève ou répondant à la définition du préambule de la Constitution de 1946, doit se voir reconnaître le bénéfice du statut de réfugié ; aucun ressortissant algérien vivant en France ne peut être renvoyé dans son pays, quel que soit celui des deux camps où on l’accuse d’être impliqué.
La LDH réclame des autorités compétentes en France et en Europe, la délivrance de titres de séjour de 6 mois, renouvelables en fonction de l’évolution de la situation en Algérie. C’est-à-dire des possibilités de retour au pays pour les personnes concernées dans des conditions de sécurité acceptables : ces titres de séjour provisoire doivent ouvrir droit au travail afin que ceux qui les obtiennent puissent vivre sur le sol européen dans des conditions décentes de ressources et de couverture sociale.
Il faut enfin que la France pèse sur l’Europe et sur le FMI pour que soient allégées considérablement la dette contractée par État algérien et atténuées les conséquences économiques qui en découlent pour la population et facilité le rétablissement des libertés.
Telles sont, pour la LDH, les conditions nécessaires pour que soit sérieusement envisagée, en Algérie une solution politique fondée sur :
– Le respect des droits de la personne,
– L’égalité des sexes,
– L’affirmation de la liberté de conscience, de la liberté religieuse et du libre exercice de cultes,
– La garantie du pluralisme politique et culturel de la société, notamment par le respect de la liberté d’expression, d’association et de la liberté de la presse écrite et audiovisuelle.