La LDH a pris connaissance du détail des projets annoncés par le Premier Ministre et déposés sur le bureau du Sénat. L’analyse des mesures gouvernementales destinées à « lutter contre le terrorisme » confirme les inquiétudes que l’on pouvait avoir en écoutant le discours du Premier Ministre.
Contrairement aux affirmations de ce dernier, les actes de terrorisme ne sont pas seuls visés mais aussi le trafic de stupéfiants et d’armes, les nouvelles technologies étant définies comme moyens de ces différentes infractions. Ceci vient confirmer qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, ce sont les pouvoirs généraux des forces de l’ordre qui sont renforcés.
Ce ne sont pas seulement les coffres des véhicules qui sont susceptibles d’être contrôlés mais l’ensemble du contenu de tous les véhicules d’un même quartier ou d’un même département, en circulation ou en stationnement, et ce, même en l’absence de tous témoins et du propriétaire du véhicule.
Tous les domiciles pourront être perquisitionnés, même en l’absence de tout délit, sur autorisation du juge des libertés qui n’aura connaissance que des dires de la police et l’interdiction des perquisitions de nuit ne concernera pas les bureaux.
De simples agents de sociétés privés seront habilités à procéder à une « palpation de sécurité » des passagers des aéroports, des ports et même dans la rue, ce qui signifie une impensable privatisation des pouvoirs de contrôle de la police.
Enfin, et sans que cela soit limité au cas de terrorisme, de trafic de stupéfiants ou d’armes, les données permettant d’identifier l’auteur et le destinataire d’une communication devront être conservées durant un an. De la même manière, les auteurs de logiciel de cryptage seront tenus d’en fournir les clés aux forces de l’ordre et d’apporter leurs concours à la mise en oeuvre de ces logiciels.
Certes, plusieurs de ces mesures sont soumises au contrôle du Parquet ou du Juge. Mais ces garanties ne doivent pas faire illusion. Les magistrats du Parquet ne contrôleront pas plus la fouille des véhicules qu’ils ne contrôlent aujourd’hui efficacement les gardes à vue et le juge des libertés, quelle que soit sa rigueur, n’aura pour prendre ses décisions qu’un dossier de police. Quant au caractère temporaire de ces mesures, il suffit d’entendre l’opposition actuelle et une partie de la majorité pour savoir ce qu’il en sera réellement.
Les logiques à l’œuvre sont lourdes de conséquences : elles permettront, notamment dans les quartiers difficiles, des interventions plus massives des forces de l’ordre et renforceront, dans un contexte où, trop souvent, l’origine détermine le contrôle, le sentiment que la loi est elle-même source de discrimination et d’arbitraire.
Au total, le gouvernement s’engage dans une voie où la liberté d’aller et venir, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances font l’objet de restrictions importantes et pour des causes beaucoup plus étendues que le seul terrorisme. En fait c’est d’un accroissement général du contrôle social qu’il s’agit dont le terrorisme n’est qu’un prétexte.
La LDH appelle le gouvernement à revenir à la raison : la France n’est pas en guerre et la lutte contre le terrorisme ne nécessite nullement de recourir à cette législation d’exception. Les parlementaires doivent refuser de prêter leurs concours à des projets qui mettent en péril les libertés et risquent de porter atteinte gravement à la cohésion sociale de notre pays.
Paris, le 11 octobre 2001