Communiqué commun de plusieurs organisations, dont la LDH
Alors qu’un groupe de travail parlementaire de la majorité a été constitué en septembre 2018 en vue de l’élaboration d’une proposition de loi sur la rétention des publics vulnérables, notamment des familles, nos 16 organisations appellent l’ensemble des parlementaires à se mobiliser pour mettre fin à la privation de liberté des enfants.
Fortes du soutien de plus de 140 000 personnes signataires d’une pétition, nos organisations réitèrent dans une lettre ouverte (texte ci-dessous) envoyée à tous les parlementaires cette interpellation et leur demandent de se saisir de cette occasion unique pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant en mettant un terme au « traitement inhumain et dégradant » que constitue leur enfermement. L’examen du projet de loi « Asile et immigration » a permis de faire la lumière sur la situation terrible de l’enfermement des enfants en centre de rétention administrative et en zone d’attente. Après plusieurs mois de débat sur ce sujet, il est grand temps que la France mette enfin un terme à l’enfermement des enfants.
La recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider le législateur.
Cette nouvelle proposition de loi est l’occasion de mettre la France en conformité avec la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (Cide) et de rappeler à tous un principe essentiel qui devrait aller de soi : on n’enferme pas un enfant !
L’enfermement, quelle que soit sa durée, constitue un traumatisme majeur pour un enfant.
Même lorsqu’il dure quelques heures, il a de graves conséquences sur la santé physique et psychique de ces enfants.
L’aménagement des centres annoncé par le Ministère de l’Intérieur n’est pas une solution acceptable. La présence d’un toboggan ou la mise à disposition de jeux de société ne préservent aucunement les enfants des violences liées à l’enfermement, du risque d’être confrontés à des événements traumatisants (automutilations, suicides, tentatives de suicide, éloignements sous contrainte), et à un environnement carcéral matérialisé par une présence policière constante, les appels réguliers aux haut-parleurs, les grillages, les barbelés et le bruit des verrous.
Interdire l’enfermement administratif sous toutes ses formes.
Aujourd’hui, en France, des centaines d’enfants sont enfermés pour des motifs liés uniquement à leur statut migratoire ou celui de leurs parents.
Concernant la rétention administrative, en 2017, 305 enfants ont été placés en centre de rétention en métropole, soit 7 fois plus qu’en 2013 ; ils étaient 2 493 à Mayotte. Entre le 1er janvier et le 31 août 2018, 135 enfants ont été enfermés, dont 78 enfants de moins de 6 ans.
Concernant la zone d’attente, en 2017, 218 mineurs isolés y ont été maintenus.
À ces chiffres, s’ajoutent les nombreux mineurs non accompagnés interpellés et placés en rétention en tant qu’adultes en raison de défauts dans la reconnaissance de leur minorité et leur prise en charge. C’est l’enfermement des enfants sous toutes ses formes qu’il faut interdire : en France, en outre-mer, en rétention ou en zone d’attente, pour les enfants isolés ou en famille.
Les alternatives à la rétention ne doivent ni être une autre manière d’enfermer ni conduire à la séparation des familles.
Il existe de multiples alternatives à la rétention. Toutes ont en commun la nécessité de devoir être individualisées pour prendre en compte chaque situation : parcours migratoire, présence d’autres membres de la famille en France, situation au regard de l’emploi etc. Toutes les restrictions à la liberté d’une personne doivent être conformes aux principes de légalité, de proportionnalité et de non-discrimination.
L’assignation à résidence, seule alternative utilisée en France aujourd’hui et présentée comme une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention permettant de préserver l’unité familiale, n’en demeure pas moins une mesure de contrôle. Elle restreint la liberté d’aller et venir des personnes et génère une situation d’incertitude et de précarité qui a un impact non négligeable sur les enfants. L’hypothèse d’une expulsion permanente est de nature à avoir des effets extrêmement anxiogènes. L’assignation ne préserve pas non plus les enfants du risque d’être confrontés à des événements traumatisants y compris parfois à la violence des interpellations et à celle de l’embarquement sous contrainte de leurs parents. Certains arrêtés vont jusqu’à imposer aux parents assignés à résidence de se rendre avec leurs enfants au commissariat pour pointer, parfois plusieurs fois par semaine et sans prise en compte des horaires scolaires.
Les associations observent également avec inquiétude de nouvelles pratiques préfectorales : les parents sont contraints, avant d’être conduits en rétention, de confier leur enfant à un tiers ou à l’Aide sociale à l’enfance. Dans plusieurs cas, l’un des parents a été expulsé sans son enfant.
Le projet de loi « Asile et immigration » a été un rendez-vous manqué pour mettre enfin un terme à l’enfermement des enfants. A l’approche de la Journée internationale des droits de l’enfant, nos organisations appellent les parlementaires à se saisir de cette opportunité, il est encore temps de se mobiliser.
Paris, le 15 novembre 2018
Signataires : Bernadette Forhan, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) ; Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty-France, Laure Blondel, co-directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe) ; Christelle Mezieres, directrice de l’Assfam groupe SOS-Solidarité ; Christophe Deltombe, président de La Cimade, Michel Guilbert, président de Clowns sans frontières ; Jérôme Giusti, président de Droits d’urgence ; Thierry Le Roy, président de France terre d’asile ; Nawel Laglaoui, directrice de Hors la rue ; Malik Salemkour, président et Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Jean François Quantin, co-président du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) ; Antoine Ricard, président du Centre Primo-Lévi ; Richard Moyon, co-fondateur du Réseau éducation sans frontières (RESF) ; Pierre Suesser, co-président du Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI) ; Laurence Roques, présidente du Syndicat des avocats de France (Saf) ; Jean-Marie Dru, président de l’Unicef-France.