Communiqué de l’ODSE, dont la LDH est membre
L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) vient de publier son premier rapport rendu au Parlement sur le droit au séjour pour raisons médicales [1] pour l’année 2017. Il révèle un bilan dramatique pour la protection des malades étrangers-ères.
Jusqu’en 2016, l’évaluation médicale des demandes relevait des Agences régionales de santé (ARS), rattachées au ministère de la Santé. Or, la loi du 7 mars 2016 a opéré un changement radical d’approche, en transférant cette compétence aux médecins du pôle santé de l’Ofii, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Ce transfert avait fait craindre à l’ODSE et aux acteurs-rices de la santé des étrangers-ères que les logiques de maîtrise des flux migratoires ne l’emportent sur des considérations de santé individuelle et de santé publique. Ces inquiétudes s’étaient renforcées depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, les constats de terrain mettant en évidence la multiplication des refus de protection.
Le rapport de l’Ofii, nous montre que la situation est encore plus grave que nous l’imaginions.
Des pratiques médicales beaucoup plus restrictives sous l’égide du ministère de l’Intérieur
Le rapport annonce que le taux d’avis favorables à la nécessaire continuité des soins en France, toutes pathologies confondues, est passé de 77 % en 2014 [2] à 52 % en 2017. Derrière ces chiffres, ce sont des centaines de personnes atteintes de troubles psychiques et de maladies graves dont la protection juridique est supprimée et la continuité des soins menacée. Les personnes séropositives ne sont pas épargnées : le rapport de l’Ofii fait état d’un taux d’avis défavorable de près de 6 % pour les personnes vivant avec le VIH, ce qui représente une hausse sans précédent.
S’agissant de la protection contre l’éloignement du territoire, seules 19 % des demandes sont acceptées en rétention administrative. Une situation alarmante, alors que les pathologies et critères médicaux sont théoriquement les mêmes que pour les demandes faites en préfecture.
La rupture constatée avec les pratiques antérieures des médecins de l’ARS apparaît ainsi comme une conséquence directe du changement de tutelle ministérielle, celle du ministère de l’Intérieur produisant des effets très restrictifs sur le sens des décisions des médecins du pôle santé de l’Ofii en charge de l’évaluation.
Une suspicion disproportionnée à l’encontre des malades et des médecins
Des moyens considérables ont été mobilisés au service de la « lutte contre la fraude » : près d’une personne sur deux a été convoquée pour une visite de contrôle médical, une pratique inédite. Or, seulement 115 cas de fraude avérée ont été dénombrés, soit 0,41% du nombre de demandes. L’ampleur de ces contrôles a des conséquences disproportionnées sur l’allongement des délais d’instruction, jusqu’à plus de 8 mois selon nos observations de terrain. En outre, elle traduit une défiance inédite à l’égard des médecins qui accompagnent les personnes dans le dépôt de leur demande.
Face à cette évolution dramatique, et afin d’aider les médecins en charge de cette responsabilité complexe, il est urgent de rendre la coordination, le suivi et l’évaluation médicale aux services du ministère de la Santé.
Nous, associations de personnes malades, de médecins et de défense des droits des étrangers-ères, appelons l’ensemble des acteurs-rices impliqués-es dans la procédure :
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à garantir la continuité des soins des malades ;
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à faire prévaloir leurs obligations de protection de la santé dans le respect des impératifs de santé publique, et, pour les médecins concernés, de leurs obligations déontologiques.
[1] Depuis vingt ans, la loi française interdit d’expulser et prévoit de régulariser toute personne étrangère gravement malade résidant en France qui ne pourrait se soigner dans son pays d’origine.
[2] Derniers chiffres officiels publiés : Direction générale des étrangers en France, Direction générale de la Santé, Avis rendus par les médecins des agences régionales de santé sur les demandes de titres de séjour pour raisons de santé. Bilan de l’année 2014, 16 novembre 2016
Paris, le 23 novembre 2018
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