Après les déclarations à l’emporte pièce du ministre de l’Intérieur sur les Roms et leurs hypothétiques « vocation à », la porte parole du gouvernement avait défendu la politique « portée avec fermeté et humanité par Manuel Valls », en affirmant que « le retour au pays fait partie de la palette des solutions ». La suite des événements a confirmé que nous sommes entrés dans une phase politique qualitativement nouvelle, où désigner des boucs émissaires – étrangers ou non – est entré dans les mœurs. On ne peut évidemment pas ramener l’activité gouvernementale à cette seule dimension, mais on ne peut pas l’en exonérer. Désormais, comme le dirait Najat Vallaud-Belkacem, « cela fait partie de la palette des solutions ».
Cela plaît à la droite, cela ravit l’extrême droite et égare une partie non négligeable de la gauche en la convainquant, qu’à défaut de parvenir à appliquer des mesures de justice sociale, il lui est profitable de bâtir sa légitimité sur le sécuritaire agrémenté d’une poussée de xénophobie.
L’affaire Léonarda montre à quel point ce calcul est digne de Gribouille et nous y consacrons un article dans cette livraison.
Au-delà, elle confirme à sa manière le degré de dégradation du débat et de la réflexion politiques du pays, ce qui augure mal des élections municipales et européennes à venir.
Ce contre quoi ont tenu à mettre en garde ensemble, la LDH, la Licra, le Mrap et SOS racisme en interpellant élus et candidats.
Après avoir tiré le constat d’une résurgence de la logique de boucs émissaires, elles rappellent solennellement que la responsabilité des élus, quel que soit le niveau où elle s’exerce, consiste à refuser les sollicitations haineuses et à leur opposer en paroles et en actes, les valeurs historiques de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent la République.
Elles lancent ensemble un appel solennel aux responsables gouvernementaux et politiques, aux élus et aux candidats pour que, quels que soient leurs engagements partisans, ils condamnent toute désignation de boucs émissaires, ils refusent que la haine fasse programme, refusent toute réhabilitation du racisme, refusent que la brutalité verbale toujours annonciatrice de passages à l’acte dramatiques envahisse l’espace démocratique.