Sélection de décisions du Conseil constitutionnel et d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’HommeI. Conseil constitutionnel
– Décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013. Saisi par le Conseil d’Etat, dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité « aux droits et libertés que la Constitution garantit » des articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales (articles relatifs aux fonctions de l’officier d’état civil en matière de mariage), le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions étaient conformes à la Constitution. Dans cette affaire, des maires prétendaient que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe heurtait les convictions personnelles de nombreux maires et adjoints et qu’en omettant de prévoir une « clause de conscience » permettant aux maires et adjoints, officiers de l’état civil, de s’abstenir de célébrer un mariage entre personnes de même sexe, ces dispositions portaient atteinte tant à l’article 34 de la Constitution (relatif aux matières relevant de la loi) qu’à la liberté de conscience. Les requérants soulevaient encore le moyen selon lequel seraient également méconnus le droit de ne pas être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses opinions ou de ses croyances, le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions et le principe de libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel rejette tous ces moyens et considère qu’ « en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience ». Le Conseil précise, en outre, que « les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ».
II. Cour européenne des droits de l’Homme
– Arrêt du 17 octobre 2013, Winterstein et autres c. France, requête n° 27013/07. Dans cette importante affaire, la Cour a conclu à la violation, par la France, de l’article 8.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Certes, le paragraphe 2 dudit article autorise une ingérence de l’autorité publique dans l’exercice de ce droit lorsqu’elle est nécessaire dans toute société démocratique mais, en l’espèce, la Cour a estimé que cette nécessité n’était pas établie. Les faits étaient les suivants : des familles du voyage, qui habitaient un lieu-dit depuis de nombreuses années (entre cinq et trente ans), avaient été assignées en référé aux fins d’expulsion des terrains qu’elles occupaient en qualité de propriétaires, de locataires ou d’occupants sans titre au motif que dans les documents d’urbanisme lesdites parcelles étaient situées en « zone naturelle qu’il convient de protéger en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments qui le composent ». Cette zone permettait le camping-caravaning à condition que les terrains soient aménagés à cette fin ou que les intéressés bénéficient d‘une autorisation, ce qui n’avait pas été le cas. La décision d’expulsion n’avait pas été mise à exécution, mais nombre des requérants avaient quitté les lieux par crainte de son exécution et de la liquidation de l’astreinte. Quatre familles avaient été relogées, selon leur souhait, en logement social, deux familles étaient parties habiter dans d’autres régions et les autres vivaient dans la précarité soit sur les terrains en cause soit sur d’autres non adaptés. La Cour, saisie après épuisement des voies de recours internes, retient la violation, par la France, de l’article précité. Elle expose que « la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile. Toute personne qui risque d’en être victime doit, en principe, pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure par un tribunal indépendant à la lumière des principes pertinents qui découlent de l’article 8 de la Convention, quand bien même son droit d’occuper les lieux aurait été éteint par l‘application du droit interne ». La Cour ajoute que « la vulnérabilité des Tsiganes et gens du voyage, du fait qu’ils constituent une minorité, implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de voie propre tant dans le cadre réglementaire valable en matière d’aménagement que lors de la prise de décisions dans des cas particuliers ; dans cette mesure, l’article 8 impose donc aux Etats contractants l’obligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre leur mode de vie ». Pour estimer que le principe de proportionnalité n’avait pas été respecté, la Cour relève que les requérants étaient installés sur les terrains en cause depuis de nombreuses années ou qu’ils y étaient nés et que la Commune avait toléré leur présence pendant une longue période avant d’y mettre fin. De plus, les terrains qu’ils occupaient n’étaient pas des terrains communaux, mais des terrains privés dont ils étaient pour la plupart locataires et, pour certains, propriétaires, terrains destinés en principe au camping-caravaning mais qui, faute d’aménagement ou d’autorisation préfectorale, ne pouvaient faire l’objet d’un stationnement permanent de caravanes. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour en arrive à la conclusion que les autorités n’avaient pas porté une attention suffisante aux besoins des familles qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux, ce qui justifie la condamnation de la France.