Communiqué commun
A l’occasion de la journée internationale des Roms, et suite à la multiplication d’actes de violences dirigés ces derniers jours à l’égard de personnes roms ou perçues comme telles soupçonnées à tort de vols d’enfants, nos organisations rappellent la nécessité de lutter contre le racisme à leur égard.
Depuis plusieurs semaines en région parisienne (Bondy, Saint-Denis, Montreuil, Montfermeil, Bobigny, …) à la suite d’une rumeur de kidnapping d’enfants prétendument organisé par des Roms et Roumains, et propagée rapidement sur les réseaux sociaux, les appels au lynchage se sont multipliés et ont donné lieu à des agressions dont certaines ont été filmées et diffusées. Entre le 16 mars et le 5 avril, pas moins de 36 agressions racistes (menaces, insultes, agressions physiques, dégradation de biens, …) ont été recensées [1].
Ces atteintes à l’intégrité physique et morale de personnes ont pour base de leur appartenance réelle ou supposée à la minorité rom. Les effets sur la santé physique et psychique des personnes agressées, mais aussi de leurs familles, perdurent jusqu’à aujourd’hui. Des familles entières vivent dans la terreur, n’osant plus sortir de leur lieu de vie. Des enfants ont été témoins de cette violence, ont arrêté d’aller à l’école. Des personnes ont perdu leur travail.
Ces récents événements, la violence avec laquelle ils se sont déployés, la rapidité de leur diffusion sur Internet s’ancrent dans un rejet important des personnes roms ou perçues comme telles comme le rapporte annuellement la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Ainsi, en 2017, 52% des interviewées pensaient que les Roms sont des voleurs et des délinquants et 65% pensaient que les Roms exploitent très souvent des enfants [2]. En outre, si la majorité des Roms en France ne vivent pas dans la misère, leur image reste liée à cet imaginaire de pauvreté et de marginalité.
Au-delà d’un rejet de leurs différences culturelles érigées comme menace à l’ordre national, cet antitsiganisme se manifeste parfois par l’assimilation de ces populations à un « groupe inférieur » pouvant aller jusqu’au déni de leur humanité.
Nos organisations souhaitent rappeler qu’au-delà d’une réponse pénale ferme face à des actes de violence aussi odieux, les pouvoirs publics ont une responsabilité prépondérante dans la lutte contre les préjugés qui les sous-tendent, à la fois afin de prévenir ces actes par des actions répétées de sensibilisation, mais aussi en se montrant eux-mêmes exemplaires. Les nombreux articles de presse démentant la rumeur, les communiqués des Préfectures d’Île-de-France, les prises de parole de certains élus locaux réfutant les accusations de kidnapping, les mobilisations d’associations et militants à Saint-Denis, à Stains ou à Ivry-sur-Seine en soutien aux Roms ne contrebalancent pas la faiblesse de la réponse gouvernementale, qui semble centrer le débat à la lutte contre les fakenews.
En cette journée du 8 avril, Journée internationale des Roms, nos organisations souhaitent rappeler avec force la nécessité de tout mettre en œuvre pour lutter contre l’antitsiganisme, et ce au même titre que toutes les autres formes de racisme.
Paris, le 8 avril 2019
Signataires : ADGVE, Aide et action ; Amnesty International France ; ATD Quart monde ; CNDH Romeurope ; Fédération des acteurs de la solidarité ; Fnasat ; Ligue des droits de l’Homme ; La Cimade ; Mrap ; Première urgence internationale ; Secours catholique ; Unicef France
[1] http://www.romeurope.org/agressions-racistes-en-ile-de-france-recensement/
[2] CNCDH, Rapport 2017 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie : https://www.cncdh.fr/sites/default/files/cncdh_rapport_2017_bat_basse_definition.pdf