Déclaration conjointe de l’AEDH et du ADHR-Bulgarie
Abus de pouvoir, crime contre les droits et libertés des citoyens de l’Union européenne et violation de la loi et de l’ordre public : voilà ce que les passagers du vol commercial reliant Sofia à Varna ont été témoins le 6 janvier 2014. Le plus inquiétant, c’est que ceci a été causé par des membres du Parlement. Volen Siderov, président d’un parti politique nationaliste « Ataka » (Attaque), a été vu en train d’harceler une passagère à cause de son origine ethnique et plus tard, lors d’une confrontation, en train de se battre avec un autre passage allant jusqu’à blesser ce dernier. De plus, désobéissant à un ordre de la police, il a agressé un policier qui a également été blessé. Son entourage, dont certains sont également députés, ont tenté de confisquer les appareils mobiles ayant enregistrés les faits. Le député Siderov est le président du comité permanent sur la corruption de l’Assemblée nationale. Durant les faits, les membres du Parlement ont tenté de prendre le contrôle de la situation en affichant leur badge de l’Assemblée nationale et leurs cartes d’accès.
Le 6 janvier 2014, les passagers du vol du soir entre Sofia et Varna ont pu observer le comportement arrogant et trop bruyant de ce qui semblait être des passagers ivres, qu’ils ont reconnu comme étant les leaders du parti « Ataka ». Une passagère a même été redirigée vers la classe affaire par une hôtesse de l’air. Le député Siderov avait insulté cette passagère sur base de sa nationalité et a déclaré qu’en tant que membre du Parlement, il avait le droit de vérifier ses papiers. Finalement, Mr Siderov a pris de force le passeport et la carte d’embarquement de la dame, tout en utilisant un langage excessif. La victime, française, est Mme Stéphanie Dumortier, attaché de coopération à l’Institut Culturel français.
Lors du trajet en navette, un autre passager, M. Dimitar Bahnev, a tenté de calmer les agresseurs et a finalement été agressé à son tour (coup de poing dans le visage) par le député Siderov. Déjà alerté à l’intérieur de l’aéroport, la police et le contrôle des frontières ont tenté de contrôler la situation. L’officier de police Kostadin Kolev a été frappé au visage par le député Siderov. Après un examen médical, le passage et l’officier de police ont obtenu un document attestant de leurs blessures physiques. Pendant ce temps, d’autres députés et membres d’Ataka ont essayé de détruire les preuves enregistrées sur les téléphones mobiles par les autres passagers. Un téléphone a été détruit.
Sept enquêteurs et trois procureurs ont été chargés de l’affaire, et plus tôt dans la journée (8 janvier 2014), le procureur général Sotir Tsatsarov a émis une demande de levée de l’immunité parlementaire de Siderov – condition préalable à une action en justice contre toute personne politique. Jusqu’à présent, une enquête a été ouverte pour crime contre un « auteur inconnu ». L’ambassade française à Sofia a également travaillé sur l’incident et a émis une déclaration officielle.
Le 8 janvier, une manifestation, organisée via Facebook et rassemblant ONG et citoyens, a eu lieu devant le Palais de Justice. Ils ont demandé qu’une enquête à part entière soit réalisée contre toutes les personnes impliquées. A la place de présenter ses excuses, Siderov a rassemblé un groupe d’environ 40-50 activistes afin de protester contre l’action en justice engagée contre lui et son parti politique. Dans la soirée du 8 janvier, deux partisans d’Ataka se sont introduits dans une des chaînes de télévision nationales, NovaTV, en réponse à une émission ayant examiné l’affaire.
L’Association Européenne pour la défense des droits de l’Homme (AEDH) et son membre, l’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme – Bulgarie (BG-ADHR), condamnent cet abus de pouvoir politique scandaleux et constate qu’il y a eu des actes comparables dans le passé. En 2010, lorsque le député Siderov a brûlé des tapis de prière en face de Banya Bashi – la plus grande mosquée de Bulgarie – l’enquête contre un « auteur inconnu » n’a jamais abouti. Tout au long de l’année 2013, des journalistes de différents médias ont souffert de la colère excessive du député Siderov, mais aucune action en justice n’a été engagée. Depuis l’afflux massif de réfugiés, ayant comme point culminant le mois de Septembre 2013, le député Siderov et ses alliés ont souvent été complices de crimes et de discours racistes, tout en répandant la peur. Aucune action en justice contre ces actes n’a été engagée.
La Bulgarie est membre de l’Union européenne, garantissant ainsi à tous les citoyens de l’UE et aux visiteurs leurs droits et libertés. ADHR-BG continuera à suivre de près la xénophobie croissante dans le pays et à rendre compte régulièrement. Nous comptons sur nos membres, sympathisants à travers le pays ainsi que nos collègues et amis de l’Union européenne et au-delà. En tant que membre de l’AEDH, nous allons promouvoir des moyens et des voies en vue d’une Union européenne forte – une Union basée sur les droits fondamentaux et la solidarité, avec la pleine responsabilité des dirigeants politiques et le pouvoir en place.
Jusqu’à présent, l’Assemblée nationale bulgare n’a pas encore condamné les actes d’abus de pouvoir ou les crimes de nature générale commis pas le député Siderov et d’autres membres du Parlement. L’immunité contre les poursuites est accordée aux députés afin de les protéger contre toute pression politique, mais certains d’entre eux en ont abusé. La transparence et la responsabilité sont toujours mises en avant. Cependant, lorsqu’on analyse chaque affaire, la loyauté pour un côté de la structure bipolaire de l’Assemblée prend le dessus. La présente affaire est une opportunité unique pour le Parlement de placer les droits et libertés des citoyens au-dessus des intérêts politiques et des intérêts des lobbyistes. Bien que le jugement des personnalités politiques soit encore récent au sein de la sphère politique, il devient pertinent. Nous suivrons de près les personnes pour qui les droits des citoyens comptent le moins.
Nous travaillons également à l’amélioration de la manière dont les élections sont menées en Bulgarie, y compris les prochaines élections européennes. Nous croyons fermement que des élections réellement libres et équitables, avec de vraies possibilités que la préférence pour des dirigeants politiques, finiront par aboutir à une relation plus directe entre les citoyens et leurs représentants. Pouvoir d’avantage choisir des partis politiques constructifs est l’un des moyens de délégitimer le discours des ultranationalistes.
L’AEDH et l’ADHR-BG appellent les autorités bulgares à prendre des mesures appropriées afin de garantir à tous les citoyens de l’UE, aux migrants et aux demandeurs d’asiles, leurs droits et libertés comme établis par les Traités et la législation de l’Union européenne. Nous appelons la société civile, les organisations des droits de l’Homme, le Parlement européen et le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe à réagir et à condamner ce comportement, à prendre une position claire afin de protéger les droits fondamentaux sur lesquels l’Union européenne est fondée et de surveiller étroitement les développements dans cet Etat membre.
Sofia, Bruxelles, le 10 janvier 2014