Communiqué de la LDH et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Alors que le Rallye Dakar donnera demain une conférence de presse près de Riyad pour détailler l’organisation de la célèbre course automobile en Arabie Saoudite, nos organisations demandent au groupe public « France télévision » de dénoncer un partenariat contraire aux principes et valeurs de sa « charte des antennes ». L’argent public ne saurait contribuer à une nouvelle opération de séduction d’un État saoudien suspecté de crimes de guerre au Yémen, et menant une répression implacable contre les défenseurs et militantes des libertés.
Le 15 avril, le groupe Amaury Sport Organisation (ASO) annonçait que le célèbre rallye-raid se disputerait en Arabie Saoudite à partir de 2020 et pour les cinq éditions suivantes. Cette annonce intervient six mois après le meurtre du journaliste dissident Jamal Khashoggi, et alors que la coalition saoudienne est impliquée dans une guerre au Yémen où elle est soupçonnée de crimes de guerre.
Elle intervient également après de nouvelles révélations sur les mauvais traitements et actes de tortures infligés en prison (coups de fouets, chocs électriques, harcèlement sexuel) à des militantes des droits humains emprisonnées, dont Loujain Al-Hathloul. Actuellement détenue et jugée avec huit autres féministes par une cour spécialisée dans les affaires de terrorisme, Loujain risque vingt ans de prison.
Organiser une course automobile dans ces conditions témoigne d’un mépris absolu pour les problématiques de droits humains dans le pays, et est conforme à la stratégie de relations publiques du régime, qui a multiplié ces dernières années les contrats – notamment d’armement – et dépenses somptuaires pour redorer son image et s’assurer du soutien des chancelleries occidentales.
Dans sa charte, le groupe France Télévisions estime que « La télévision de service public a vocation à constituer la référence en matière de qualité et d’innovation des programmes, de respect des droits de la personne, de pluralisme et de débat démocratique »[1]. Il ajoute que « toute émission produite ou acquise à l’extérieur doit se conformer aux principes de cette charte ».
Alors que la dissidence pacifique est réduite au silence en Arabie Saoudite, que ses activistes sont assassinés, torturés, ou mis en prison, comment imaginer que les habituels reportages de fond diffusés sur les pays traversés par le Rallye dans les formats magazine de France Télévisions accompagnant habituellement la course, soient autre chose qu’une suite de belles images et de propos amènes sur l’histoire, la géographie et la culture du pays, à la grande joie de ses dirigeants ?
Les journalistes de France Télévisions pourront-ils continuer à faire leur travail de journalistes, investiguer, enquêter, choisir des angles incisifs en toute indépendance, alors que France Télévision sera liée par un partenariat à ASO, elle-même liée contractuellement à l’État saoudien ?
Pour toutes ces raisons, mais aussi par respect pour les femmes et les hommes emprisonnés en Arabie Saoudite, nous demandons au groupe France Télévisions de dénoncer immédiatement un partenariat indécent devenu contraire à ses principes et à sa charte.
Paris, le 24 avril 2019
[1] Préambule p8 https://www.francetelevisions.fr/groupe/nos-valeurs/charte-des-antennes-93