Alors que la Cour de Justice de l’Union européenne doit se prononcer le 30 avril prochain sur la légalité du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États inclus dans l’accord commercial UE/Canada (CETA), 30 organisations de la société civile demandent la fin de ce système de justice d’exception qui bénéficie exclusivement aux investisseurs étrangers au détriment des Etats et des citoyens et mine la démocratie (1).
“Vous pourrez réglementer mais parfois vous devrez payer”. Il y a deux ans, lors des débats autour de la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA), c’est par cette phrase lapidaire qu’un représentant canadien avait répondu aux députés wallons qui se demandaient si le CETA allait contraindre les Etats européens à payer des amendes pour pouvoir légiférer dans l’intérêt général.
Le CETA revient au coeur de l’actualité
Saisie en 2017 par la Belgique, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) doit rendre son avis le 30 avril prochain sur la compatibilité du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et Etats du CETA avec le droit européen.
- Si la CJUE affirme qu’il y a une incompatibilité et que l’accord porte atteinte, d’une manière ou d’une autre, à l’autonomie du droit de l’Union, cette décision ajoutera un écueil juridique au rejet massif par les citoyens du principe des tribunaux d’arbitrage entre investisseurs et États. La Commission et les Etats-membres, désireux de sauver les dispositifs d’arbitrage d’investissement, chercheront probablement à proposer des aménagements au CETA pour tenir compte de cet avis contraignant. Mais ce serait un désaveu majeur pour les promoteurs de l’accord qui affirmaient que les questions juridiques soulevées n’étaient pas pertinentes.
- Si la CJUE affirme qu’il n’y a pas d’incompatibilité, le dispositif d’arbitrage promu par la Commission européenne sera validé d’un point de vue légal. Cependant, cet avis est loin de répondre à l’ensemble des préoccupations sur les fondements et le fonctionnement du mécanisme d’arbitrage d’investissement. Le principe même d’un mécanisme de justice parallèle destiné à contourner les juridictions nationales et européennes pour offrir le droit aux investisseurs étrangers d’attaquer une décision publique qui viendrait remettre en cause leurs espérances de profit est inacceptable. Il constitue une arme de dissuasion massive pour les investisseurs et les entreprises et réduit considérablement le pouvoir de réguler des autorités locales et nationales. Alors que les Etats Unis et le Canada qui avaient été les premiers pays industrialisés à se doter entre eux d’un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États, dans le cadre de l’ALENA, viennent de l’abandonner, pourquoi en instaurer un entre l’Union européenne et le Canada ? D’autant que le CETA a créé un précédent avec de nouveaux accords finalisés avec Singapour et bientôt en signature avec le Vietnam et un projet de Cour multilatérale d’investissements promue par l’Union européenne.
Parce que ces accords de protection des investissements vont à l’encontre de l’Accord de Paris sur le climat et des principes démocratiques, et qu’ils remettent en cause la capacité des Etats à légiférer pour défendre l’intérêt général, nous demandons d’y mettre fin. En quelques semaines, plus d’un demi million de citoyens européens ont signé la pétition “Stop Impunité. Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales” (2). A la place, l’Union européenne et les Etats membres devraient plutôt soutenir activement le traité en négociation à l’ONU pour exiger le respect des droits humains, sociaux, environnementaux, par les entreprises multinationales.
Organisations signataires : ActionAid France; AITEC, Alofa Tuvalu, Amis de la Terre France, ATTAC France, Bloom, CADTM France, CCFD-Terre Solidaire, CFE-CGC, CGT, Collectif Éthique sur l’étiquette, Comité Pauvreté et Politique, Confédération paysanne, CRID, Emmaüs International, Foi et Justice Afrique Europe, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, foodwatch France, France Amérique Latine, Greenpeace France, Institut Veblen, Justice et Paix, Ligue des Droits de l’Homme, Notre affaire à tous, ReAct, Réseau Roosevelt, SNESUP-FSU, Sherpa, Terre des Hommes France, Union syndicale Solidaires
Notes :
(1) Voir le document de position complet
(2) Campagne européenne qui réunit plus de 200 organisations de la société civile dans plus de 16 pays. https://stop-impunite.fr/Signez-maintenant
Paris, le 29 mai 2019