Résolution adoptée par le 78ème congrès de la LDH Paris – 8, 9 et 10 mai 1998
L’opération de régularisation des sans-papiers a profondément déçu les espoirs qu’elle avait fait naître. Elle conduit aujourd’hui dans une impasse dont il est urgent de sortir.
Lors de la campagne électorale, le candidat Lionel Jospin s’était engagé à abroger les lois Pasqua Debré et à procéder à une régularisation large et généreuse des sans-papiers. Or, non seulement, les lois en question n’ont pas été abrogées mais la loi Chevènement reprend plusieurs de leurs dispositions. La circulaire de régularisation, que nous avions salué comme une mesure positive, a été appliquée dans un climat d’arbitraire et sans recours suspensif par des services accoutumés depuis des années à faire la chasse aux sans-papiers.
Au terme de l’opération, 75.000 personnes environ verront leur demande rejetée. Que va t-il advenir d’eux ?
Alors même que le gouvernement les invite à quitter le territoire, il n’a pas les moyens d’organiser l’expulsion rapide d’un si grand nombre de personnes. La grande majorité d’entre elles se maintiendra donc sur le sol français, dans une situations de non droit.
Le gouvernement prétend allier la rigueur à la générosité. Or, à l’occasion des récentes occupations d’églises à Paris, nous avons vu se reproduire des scènes qui avaient marqué l’époque de M. Debré : justice rendue à la sauvette, expulsions musclées au cours desquelles des personnes sont menottées et scotchées à leur siège.
En sortant de l’ombre, en prenant le risque d’être fichés, les sans-papiers ont manifesté leur volonté d’intégration. Ils ont fait confiance à la République. Il faut leur en donner acte en régularisant tous ceux qui en on fait la demande. Le gouvernement a les moyens juridiques de procéder à cette régularisation. La LDH engagera une campagne nationale sur cet objectif.
Nous demandons un nouvel examen des dossiers des personnes qui ont eu leur demande refusée et la création d’une commission de recours indépendante. Il faut aussi un moratoire des reconduites à la frontière, notamment vers l’Algérie.
Alors que l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce viennent de régulariser des dizaines ou des centaines de milliers de sans-papiers, qui peut penser que l’intégration de 75.000 immigrés déstabiliserait la société française ? Elle contribuerait, au contraire, à restaurer l’image d’une France fidèle à ses principes.
Pour la LDH, la politique de l’immigration appelle une autre approche, fondée sur la prise de conscience de ce que, dans leur immense majorité, les étrangers résidant en France sont en situation régulière. Dès lors, le problème majeur n’est pas de contrôler encore plus sévèrement des flux déjà très réduits mais de redonner une vraie perspective d’intégration à des populations enfermées, depuis des années, dans une précarité sans cesse aggravée.