Communiqué LDH
Il y a vingt ans, en moins de trois mois, plus de huit cent mille personnes, femmes, enfants, hommes, ont été assassinées dans des conditions atroces, parce qu’elles étaient, selon la classification héritée de la colonisation, identifiées tutsi ou bien parce que, hutus démocrates, elles tentaient de s’y opposer.Au-delà du devoir de mémoire que l’on doit aux disparus et de la solidarité qu’il faut manifester aux survivants qui vivent, dans leur corps et dans leur esprit, des séquelles d’une violence extrême, la Ligue des droits de l’Homme affirme qu’un complet travail d’enquête, d’histoire et de justice doit enfin avoir lieu.
Cette effroyable tragédie a encore et toujours des conséquences fortes aujourd’hui, tant au Rwanda, où il faut vivre avec cette plaie toujours ouverte et côtoyer le voisin qui, parfois, a été l’un des exécuteurs, que dans les pays voisins tels le Burundi et la République démocratique du Congo, toujours plongés dans les affres de massacres, dont beaucoup ont pour origine le conflit du Rwanda.
En ce jour anniversaire du début du génocide, la LDH s’engage à continuer l’action, avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres depuis 1995, en étant partie civile dans de nombreuses procédures en cours contre des présumés coupables ou contre des complices de génocide ou de crimes contre l’humanité, vivant parfois en France même, en toute impunité. Si des progrès significatifs ont été réalisés au sein de tribunaux nationaux (Belgique, Canada, Etats-Unis, Rwanda, Suisse…) et internationaux, nombre de procédures n’ont pas trouvé encore d’aboutissement.
C’est pourquoi la LDH considère que la condamnation, par la justice française, à vingt-cinq ans de prison d’un auteur de crimes de génocide au Rwanda ne doit pas rester exemplaire et unique. Elle attend que les arrestations intervenues à la demande du Pôle crimes de guerre / crime contre l’humanité du ministère de la Justice débouchent sur des procès.
Notant avec satisfaction ces progrès enfin réalisés dans notre pays, la Ligue des droits de l’Homme attend des procédures actuellement en cours qu’elles permettent non seulement de rendre justice aux victimes mais aussi de rendre public le rôle exact que la France a joué dans ces événements tragiques, tant dans son action diplomatique que dans ses interventions armées.
Ce génocide n’est pas tombé du ciel ; il a été parfaitement planifié, organisé. Un discours négationniste a pris de l’ampleur en France ces dernières années. La LDH le réaffirme : NON, il n’y a pas eu « double » génocide, OUI, le génocide était annoncé (rapport de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU de juillet 1993, confirmant les termes du rapport publié en février par des organisations de défense des droits, dont la FIDH et Africa Watch). OUI, les massacres auraient pu être évités si les institutions censées représenter la « communauté internationale » avaient assumé leurs responsabilités, si la justice pénale internationale pouvait fonctionner dans des conditions réellement efficaces.
Il serait temps que la France, à l’instar d’autres organisations et nations (ONU, Belgique, Etats-Unis par exemple), reconnaisse enfin ses responsabilités politiques dans ces mois effroyables où l’indicible a été commis dans l’indifférence générale.
Paris, le 7 avril 2014.