Communiqué conjoint REMDH-Amnesty Internaional
Un jeune étudiant algérien, Mohand Kadi et un assistant dans une société d’éditions tunisien, Moez Benncir, accusés d’ « attroupement non armé », comparaitront le dimanche 11 mai devant le Tribunal correctionnel de première instance de Sidi M’hamed à Alger. Amnesty International et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) appellent à leur libération immédiate et sans conditions, étant donné le caractère arbitraire de leur détention et des chefs d’inculpation qui pèsent sur eux.
Arrêtés le 16 avril dernier en marge d’une manifestation du mouvement Barakat qui a été violemment réprimée par les forces de l’ordre à la veille des élections présidentielles, Mohand Kadi, âgé de 23 ans et Moez Benncir, âgé de 25 ans ont été placés en détention provisoire et inculpés d’« attroupement non armé qui peut troubler la tranquillité publique », selon l’article 97 du code pénal algérien. Toutes les autres personnes arrêtées lors de cette manifestation avaient été relâchés en fin de journée.
Dans la ville d’Alger, une décision du 18 juin 2001, toujours en vigueur aujourd’hui, interdit toute manifestation sur la voie publique. De ce fait, alors même que l’état d’urgence a été levé en 2011, les manifestations non autorisées sont considérées des attroupements illégaux et ceux qui y participent peuvent être poursuivis en justice, et encourent des peines allant de deux mois à trois ans de prison. La Loi n° 91-19 astreint toute manifestation publique à une autorisation préalable. Cependant, l’autorisation est rarement accordée dans les faits, notamment aux organisations considérées comme étant critiques vis-à-vis du gouvernement.
« Le droit de réunion est régulièrement bafoué en Algérie, que ce soit par les dispersions souvent violentes de manifestations par les forces de l’ordre, ou par des poursuites judiciaires abusives à l’encontre de ceux qui exercent ce droit », a déclaré Philip Luther, directeur pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Les autorités algériennes doivent mettre en conformité la législation nationale avec les dispositions du Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) afin de garantir la liberté d’expression, d’association et de réunion en Algérie, comme prévu par la constitution du pays », a rajouté Michel Tubiana, président du REMDH.
De plus, selon nos informations, Mohand Kadi et Moez Benncir nient avoir participé à la manifestation ce jour-là. Les deux jeunes auraient simplement été présents près de la Faculté centrale d’Alger, située à proximité de la résidence de Mohand Kadi, lorsque la manifestation avait lieu. Les policiers qui les ont arrêtés les auraient assimilés à des manifestants du mouvement Barakat.
« Que deux jeunes puissent être en prison pour avoir soit-disant participé à une manifestation alors même qu’ils nient cette accusation et que le droit de manifester est garanti par le droit international est une nouvelle manifestation des pratiques abusives des autorités algériennes », ont déclaré Amnesty International et REMDH.
Les deux jeunes hommes se trouvent actuellement en détention provisoire à la prison de Serkadji (Alger). Leur remise en liberté provisoire, suite à la demande introduite par les avocats de la défense, a été rejetée dimanche 4 mai par la Chambre d’accusation.
Amnesty International et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme demandent instamment aux autorités algériennes de libérer immédiatement Mohand Kadi et Moez Benncir et de mettre fin à toute poursuite judiciaire à leur encontre. Les autorités algériennes doivent respecter les dispositions internationales en matière de détention arbitraire, en particulier l’Article 9 du PIDCP qui dispose que
« nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire ».
Les deux organisations exhortent également les autorités à abroger le décret du 18 juin 2001 qui interdit les marches pacifiques ou toute forme de manifestation publique à Alger et à instaurer un régime de simple notification pour les manifestations publiques au lieu d’un régime d’autorisation préalable, comme déjà recommandé par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Le 9 mai 2014