Les nombreuses associations qui accompagnent les ressortissants étrangers n’ont pu que constater, depuis maintenant plusieurs années, la mise en place d’une procédure dématérialisée imposant une prise de rendez-vous par internet pour avoir accès aux services des préfectures. Or, dans de nombreux départements, très peu voire aucun rendez-vous n’est effectivement proposé en ligne en raison le plus souvent de l’insuffisance des créneaux horaires disponibles. Les personnes souhaitant accéder au service sont contraintes de multiplier les visites sur le site préfectoral, souvent sans succès. Cette étape préalable à l’accomplissement des démarches administratives dure plusieurs semaines voire le plus souvent plusieurs mois. En outre, une partie des usagers et usagères n’est pas en capacité d’utiliser Internet pour accéder à la procédure (absence de connexion, d’adresse de courriel, de maitrise de la langue française, handicap, etc.). En conséquence, les personnes souhaitant se conformer à leur obligation de demander la délivrance d’un titre de séjour sont maintenues dans l’irrégularité administrative. Celles devant demander le renouvellement de leur titre de séjour en cours de validité encourent des pertes de droit au séjour, de droit au travail et de droits sociaux.
La Ligue des droits de l’Homme, la Cimade, le Gisti, et le Syndicat des avocats de France avaient saisi, en mars 2018, le Premier ministre d’une demande de modification du décret du 27 mai 2016 autorisant la mise en œuvre des téléservices. La modification demandée visait à voir indiquer le caractère facultatif de l’usage des téléservices : le fait d’accomplir des démarches par voie dématérialisée doit rester une option pour les usagers et usagères du service public, et non une obligation. Notre demande est restée sans réponse et nos associations ont donc décidé en juillet 2018 de saisir le Conseil d’Etat.
Dans une importante décision rendue le 27 novembre 2019 (https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-11-27/422516), la haute juridiction rappelle que les dispositions réglementaires ne permettent pas de rendre obligatoire l’accomplissement des démarches administratives par voie électronique et le Conseil d’Etat invite implicitement à attaquer ces décisions préfectorales (https://www.ldh-france.org/le-conseil-detat-confirme-le-caractere-facultatif-du-recours-aux-teleservices-et-reconnait-implicitement-lillegalite-des-decisions-rendant-obligatoires-la-prise-de-rendez-vous-par-in/).
Pourtant, de nombreuses préfectures obligent toujours les personnes étrangères à prendre rendez-vous par Internet pour demander ou renouveler un titre de séjour.
Aussi et dans la perspective de ce nouveau contentieux, nos organisations ont saisi l’ensemble de leurs militants présents sur le territoire national en leur proposant un questionnaire détaillant les pratiques préfectorales en matière de prise de rendez-vous.
Les retours ont été nombreux et les premiers courriers adressés aux préfectures qui imposent la saisine de leurs services par voie électronique ont été expédiés.
Il est demandé aux préfets de nous communiquer le fondement textuel imposant cette obligation puis, conformément à la décision du Conseil d’Etat, de mettre en place un mode alternatif de saisine de ses services.
Dans l’hypothèse où nos associations connaitraient une réponse négative, explicite ou implicite (résultant du silence gardé par les préfectures pendant plus de deux mois), elles introduiraient alors un recours devant la juridiction administrative.