Paris, le 23 juin 2020
Monsieur le Préfet,
Il est parvenu à la connaissance de l’Observatoire de la liberté de création, qui réunit, sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), une quinzaine d’organisations qui veillent ensemble à préserver la liberté de création et de diffusion des œuvres, qu’après avoir reçu six représentants d’un syndicat de policier, Alliance, vous auriez pris la décision incongrue de mettre en demeure le maire de Stains d’effacer une partie d’une fresque se situant sur sa commune, et plus précisément le mot « policières » dans la locution « violences policières ».
Faut-il vous rappeler, Monsieur le Préfet, qu’il ne vous appartient pas de restreindre la liberté d’expression et de création et d’ordonner de modifier une fresque ? Que la liberté d’expression est protégée par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dont l’article 11 dispose que la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ? Qu’en l’espèce, la-dite fresque ne heurte aucune disposition légale, et qu’en tout état de cause, vous ne pouvez-vous substituer aux tribunaux auxquels la loi réserve la sanction d’une éventuelle infraction, selon la loi du 29 juillet 1881 ?
Pour mémoire, l’article 431-1 du code pénal modifié par la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 (dite loi liberté de création) dispose que :
Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation ou d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées aux alinéas précédents est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique. En vous remerciant de revenir vers nous.
Veuillez recevoir, Monsieur le Préfet, l’expression de notre parfaite considération,
Liste des membres de l’Observatoire de la liberté de création :
Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (Acid) ; Association des cinéastes documentaristes (Addoc) ; Section française de l’Association internationale des critiques d’art (Aica France) ; Fédération des lieux de musiques actuelles (Fedelima) ; Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC-CGT) ; Fédération nationale des arts de la rue ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Ligue de l’enseignement ; Les Forces musicales ; Scénaristes de Cinéma Associés (SCA) ; Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT) ; Société des gens de lettres (SGDL) ; Syndicat national des artistes plasticiens (Snap-CGT) ; Syndicat national des scènes publiques (SNSP) ; Société des réalisateurs de films (SRF) ; Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac).