Lettre ouverte commune adressée au ministre des Affaires étrangères, dont la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, dont la LDH est membre, et la LDH sont signataires
Monsieur le Ministre,
Un groupe de 19 organisations de la société civile vous appelle à veiller à ce qu’Israël ne continue pas le crime de transfert de population en expulsant de Jérusalem le défenseur des droits de l’Homme et avocat Salah Hamouri. Le 3 septembre 2020, Salah Hamouri, Palestino-Français âgé de 35 ans a reçu une notification officielle envoyée par le ministère israélien de l’Intérieur l’informant de l’intention d’abroger son droit permanent de résidence à Jérusalem pour une dite « rupture d’allégeance » à l’Etat d’Israël. Auparavant, Israël avait interdit à Salah toute présence en Cisjordanie pendant près de 16 mois et expulsé sa femme, Elsa Lefort, de nationalité française, séparant Salah de sa femme et de son fils.
Le système juridique israélien permet de mener des politiques et des pratiques illégales en toute impunité et dans le mépris complet du droit international. En 2018, le parlement israélien a adopté des amendements à la loi sur l’entrée en Israël qui ont accordé au ministre israélien de l’Intérieur la prérogative d’abroger le droit de résidence des Palestiniens en se fondant sur la « rupture d’allégeance ». A l’époque, l’UE a publié une déclaration précisant que « la nouvelle loi pourrait rendre encore plus précaire qu’il n’est aujourd’hui le statut de résident des Palestiniens de Jérusalem-Est, population protégée selon le droit international humanitaire. La nouvelle loi pourrait être utilisée pour compromettre davantage la présence palestinienne à Jérusalem-Est, ce qui saperait en outre la perspective d’une solution à deux Etats ».
A ce jour, le ministère israélien de l’Intérieur a abrogé, à titre punitif, les droits de résidence de plus de 13 Palestiniens, y compris de trois membres élus du Conseil Législatif Palestinien et de l’ancien ministre palestinien de Jérusalem, en se fondant sur le critère illégal de rupture d’allégeance à Israël.
L’abrogation du droit de résidence est l’un des principaux outils utilisés par Israël pour transférer les Palestiniens de Jérusalem-Est. Depuis 1967, Israël a abrogé le droit de résidence de plus de 14 500 Palestiniens.
A la lumière de ce qui précède, nous vous demandons instamment de :
1. Veiller à ce que Israël s’abstienne d’abroger à titre punitif le droit de résidence de Salah Hamouri, ce qui conduirait à son expulsion de Jérusalem.
2. Convoquer l’ambassadeur d’Israël en France pour demander des éclaircissements sur le cas de Salah Hamouri et pour veiller à ce que Israël n’aille pas plus loin dans le crime de transfert de population en expulsant celui-ci.
Alors que la France a déjà adopté une position ferme en réponse à l’annonce de l’abrogation du droit de résidence de Salah Hamouri en déclarant qu’il « doit pouvoir mener une vie normale à Jérusalem, où il est né et où il réside. Son épouse et son fils doivent également obtenir le droit de se rendre à Jérusalem pour le retrouver », nous demandons instamment à la France de prendre publiquement position sur l’affaire en condamnant les procédures menées par le ministère israélien pour abroger le droit de résidence de Salah, ce qui conduirait à son expulsion, en appelant Israël à résilier l’article 11 de la Loi de 1952 sur l’Entrée en Israël, et en condamnant toutes les politiques israéliennes ayant pour but de transférer illégalement les civils palestiniens de Jérusalem pour atteindre des objectif démographiques.
3. D’entrer en communication avec le ministère israélien des Affaires étrangères et d’autres interlocuteurs pertinents pour réaffirmer le caractère illégal de l’abrogation punitive du droit de résidence conduisant au transfert forcé de civils palestiniens, crime de guerre selon le Statut de Rome de la CPI.
4. D’appeler Israël à mettre un terme à toutes les politiques et mesures d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des défenseurs et militants des droits de l’Homme.
Si Israël abroge le droit de résidence de Salah Hamouri, il violera l’article 49 de la quatrième Convention de Genève, qui interdit « les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non », quel qu’en soit le motif. Le droit international pénal interdit le crime grave de transfert de population, y compris par le biais de manipulations démographiques, qui peut constituer un crime de guerre et un crime contre l’humanité. Le transfert de la population civile palestinienne est non seulement illégal, mais il en résulte en outre la négation des droits humains fondamentaux, dont les droits à la vie familiale, à la santé, à l’instruction, au travail, et de nombreux autres droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre très haute considération.
Les organisations signataires :
• Association France Palestine Solidarité (AFPS)
• Ligue des droits de l’Homme
• Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
• Palestinian Human Rights Organizations Council (PHROC), comprenant :
Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
Al Mezan Center for Human Rights
Al-Haq – Law in the Service of Man
Aldameer Association for Human Rights
Defense for Children International (DCI) – Palestine
Hurryyat – Center for Defense of Liberties and Civil Rights
Jerusalem Legal Aid and Human Rights Center (JLAC)
Muwatin Institute for Democracy and Human Rights – Observer
Palestinian Centre for Human Rights (PCHR)
Ramallah Center for Human Rights Studies (RCHRS)
The Independent Commission for Human Rights (Ombudsman Office) – Observer
• Palestinian Non-Governmental Organizations Network (PNGO)
• Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
• CNCD – 11.11.11
• European Legal Support Center (ELSC)
• Habitat International Coalition-Housing and Land Rights Network (HIC-HLRN)
Paris, le 28 octobre 2020