La grande confrontation du XXIe siècle est engagée
Les premiers mois de l’année le confirment, l’histoire contemporaine de la Chine marque un tournant en 2021 et, sans doute aussi, l’histoire des relations internationales. Le Parti va fêter son centenaire en juillet. Certain de sa puissance économique et militaire, le pouvoir chinois affiche désormais son droit aux décisions unilatérales, même si elles contreviennent aux règles qu’il a souscrites en entrant dans les institutions internationales. On est entré dans le temps des confrontations ouvertes. Le peu d’importance accordée aux regards extérieurs s’est exprimé à plusieurs reprises ce printemps.
Le 11 mars à Beijing, une assemblée nationale unanime (2 895 voix pour et une abstention) adopte pour Hongkong une loi électorale qui organise la mise en minorité permanente du camp démocratique (lequel pourtant était encore largement majoritaire lors des élections libres de fin 2019). Hongkong est passé sans coup férir sous la coupe de la République populaire, avec vingt-sept ans d’avance et sans intervention militaire. Sans réactions extérieures significatives non plus devant cette violation ouverte de la promesse d’un « haut degré d’autonomie », car quel pays oserait affronter la Chine, surtout s’il y possède des usines et y nourrit des espoirs de gains ? Il a suffi à Beijing d’affirmer sa puissance. L’ancienne colonie britannique est vouée à devenir une annexe de Shenzhen, ville industrielle champignon dont la population dépasse déjà la sienne de cinq millions d’habitants.
Dans un autre domaine, Beijing a montré son dédain des institutions internationales qu’il courtisait naguère. En janvier-février, la mission d’enquête de l’Organisation mondiale de la Santé, que la partie chinoise avait rejetée, puis retardée, puis fortement encadrée et chapeautée, a rendu un rapport qui ne gênait pas le pouvoir ; elle écartait l’hypothèse d’un virus échappé du laboratoire de recherche virologique de Wuhan au Hebei, zone d’où l’épidémie s’est propagée dans le monde entier. Mais le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui, le 31 janvier 2020 avant toute enquête, avait félicité Beijing pour la gestion de l’épidémie, s’était exprimé le 30 mars dernier en termes moins élogieux : il avait déploré la difficulté d’accès aux sources et trouvé que l’équipe avait trop rapidement écarté la thèse d’une fuite de laboratoire.
Un membre chinois du groupe d’enquête, qui ne donne pas son nom, dans un article de la presse locale, accuse le chef de l’OMS d’être « extrêmement irresponsable » étant donné que la Chine s’est toujours, selon lui, montré coopérative et transparente. Le 21 avril, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères faisait la leçon à Tedros Adhanom Ghebreyesus affirmant que chaque partie – en particulier l’Organisation mondiale de la Santé – devait respecter la science et les opinions des hommes de science et adopter, en l’occurrence, un comportement exemplaire.
La Chine ne craint pas non plus de heurter par ses positions face aux Nations unies. Les médias se sont emparés de la question ouïghoure et là aussi, Beijing qui déclare mener une action admirable, ne veut rien entendre.
Il refuse toute enquête sur sa gestion du Xinjiang, dans la crainte sans doute de conclusions négatives, malgré les demandes réitérées de la Grande-Bretagne, de la plupart des pays de l’Union européenne, de la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, d’experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’Homme, – où siège d’ailleurs la Chine ?
Beijing met en avant le soutien que lui apportent nombre de pays du Tiers monde – y compris des capitales musulmanes disposées à oublier la répression religieuse organisée au Xinjiang – qui lui sont liées par le commerce et les investissements. Le gouvernement assure qu’il est tout disposé à accueillir les missions des Nations Unies, mais sous condition qu’elles soient mues par un souci d’amitié, ce qui n’est pas le cas, estime-t-il ; en substance, il justifie ainsi son refus : puisque ce que nous faisons est bien, pourquoi voulez-vous enquêter chez nous, si ce n’est par malveillance ?
On peut rappeler, bien qu’antérieur mais de la même veine, le refus de prendre en compte la décision de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui, sur saisie des Philippines, avait affirmé en 2016 que la Chine n’avait aucun droit historique sur la majorité des récifs de la Mer de Chine méridionale. Elle continue d’y renforcer ses installations et son appareil militaire, n’acceptant d’aucune façon que l’on conteste ses pratiques hégémoniques. Ce qui fait de la zone un des points les plus chauds de la planète, avec de réels risques d’affrontements militaires d’envergure.
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