Bientôt, tous les enfants en âge d’être scolarisés qui résident en France seront fichés dans le système Base élèves 1er degré. Elaboré en l’absence de tout débat démocratique sur sa finalité, son fonctionnement, ses possibilités de croisement avec d’autres fichiers (police, justice,…), il est en voie de généralisation sur tout le territoire, après une simple déclaration à la Cnil le 24 décembre 2004. Sa mise en place rencontre de fortes oppositions de la part de parents d’élèves – mais nombre d’entre eux ignorent jusqu’à son existence –, d’enseignants, d’associations et d’élus. Des conseils municipaux se sont prononcés contre ce fichage, des parents le refusent, des directeurs d’école sont opposés ou réticents (ils sont alors soumis à de fortes pressions de leur hiérarchie)… mais rien ne semble pouvoir arrêter une administration qui minimise les dangers du système.
Des informations sur les enfants et leurs familles qui, jusqu’à présent, ne sortaient pas de l’école, deviennent partiellement accessibles aux maires, et remontent jusqu’à l’échelon académique, et même au niveau national avec un identifiant (la liste des informations se trouve en Annexe). Ces données transitent via Internet. Personne n’a oublié le scandale de juin 2007 qui a mis en évidence l’absence de sécurisation – tout un chacun pouvant avoir accès aux données personnelles des enfants et de leurs familles.
La plupart des données individuelles nominatives seront conservées quinze ans. La finalité affichée du traitement est d’« apporter une aide à la gestion locale des élèves, assurer un suivi statistique des effectifs d’élèves et permettre un pilotage pédagogique et un suivi des parcours scolaires ».
Mais dans la mesure où il va ficher tous les enfants – y compris ceux qui sont scolarisés dans leur famille – l’une des utilisations vraisemblables de ce système se trouve dans la Loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Cette loi place le maire « au centre de la politique de prévention » avec de nouveaux pouvoirs, en le faisant notamment bénéficier de la notion de « secret partagé » avec différents acteurs sociaux. Les enseignants sont associés à ce dispositif de contrôle social : l’article 12 de la loi modifie le Code de l’Education en précisant que les établissements scolaires « participent à la prévention de la délinquance ». Base élèves se situe donc dans la droite ligne du rapport Benisti qui, pour prévenir « les comportements déviants », préconise la détection précoce des troubles comportementaux infantiles dès la crèche…
Sous la pression d’un mouvement de protestation de parents d’élèves, d’enseignants et d’organisations de défense des droits de l’Homme, le ministère a annoncé le 5 octobre 2007 la suppression des champs relatifs à la nationalité (Annexe note(2)) – tout en maintenant le lieu de naissance.
Pour l’enfant, individu en devenir, toute information sortie de son contexte peut être source de discrimination. Confier autant de données personnelles à une administration qui pourra les faire circuler par Internet et les utiliser à des fins qui ne sont pas précisées, nous semble dépasser ce qui peut légitimement être exigé des familles. L’école doit rester un lieu protégé, un lieu où l’enfant doit pouvoir se développer sans être enfermé dans son passé.
Convaincus que les libertés individuelles sont trop importantes pour être abandonnées au bon vouloir des gouvernements et des administrations, nous demandons la suppression définitive du système Base élèves et des données déjà collectées