On les voit manifester à quelques coins de rue, ils organisent un cortège ou occupent un lieu symbolique. Ce sont les « sans papiers ». Parfois présents depuis plus de dix ans en France, ils n’ont ni volé ni tué. En revanche beaucoup ont été rançonné et d’autres ont fuit la mort ou la torture. Pourtant certains dorment en prison et tous risquent d’y séjourner. Leur tort ? Vouloir vivre en France parce que les drames de la vie les ont contraint à l’exil. Leurs demandes ? Cesser d’être soumis à l’arbitraire des préfectures, pouvoir travailler, nourrir leur famille, vivre tout simplement. Les gouvernements se suivent mais leur situation reste la même : celle d’un zone de non droit où se déplacer signifie éviter les contrôles et où manger exige d’être exploité par un patron pas trop regardant.
Etre « sans papiers », c’est être aussi sans droits, sans allocations ou sans sécurité sociale. Oh ils ne sont pas des centaines de milliers; quelques dizaines de milliers qui ont déposé leurs dossiers afin d’obtenir le sésame qui leur permettra de retrouver une existence autre que clandestine. On dira « qu’ils prennent le travail des français ». Même cela est un mensonge, ils remplissent des taches que la plus grande partie d’entre nous ne veut plus faire. Quant nous n’acceptons pas que certains travaillent, sous payés évidemment, parce que, dans plusieurs domaines, ils comblent des absences préjudiciables à la collectivité (médecins urgentistes, enseignant dans certaines matières, etc). Et puis que veut dire cette affirmation lorsque l’on sait que plus de 60 millions de personnes vivent en France et que les « sans papiers » ne représente pas 0.2% de notre population ?
On dira aussi que leur donner des papiers à tous provoquerait un appel d’air. Mais croit-on que les gens quittent leur pays par plaisir ou qu’ils en ont simplement les moyens ? Bien sûr, il faudra réfléchir aux raisons qui amènent certains à prendre le risque de mourir dans le détroit de Gibraltar ou aux déséquilibres mondiaux qui ravagent des populations entières. En attendant, ils sont là et ils y resteront, en France comme dans toute l’Europe. Les maintenir dans cette situation de non droit est non seulement une honte pour la République mais aussi une absurdité. Il est indigne d’infliger à des personnes qui n’ont rien fait que la morale réprouve des mois de prison. Et les moyens policiers et administratifs qui sont consacrés à la poursuite des étrangers en situation irrégulière seraient bien mieux employés ailleurs. Il faut régulariser les « sans papiers ».
Paris, le 2 septembre 2002