Tribune de Malik Salemkour, président de la LDH
Eric Zemmour focalise les débats publics en déversant chaque jour, dans des médias fascinés, son discours de haine, sexiste, raciste et xénophobe, dans la pire tradition de l’extrême droite fasciste. A coups de provocations et de révisionnisme historique, il rêve d’un Etat totalitaire et nationaliste qui impose par tout moyen sa vision d’une France uniforme mythifiée, chrétienne et patriarcale. Ces ennemies sont toutes désignées. Il est parti en croisade contre les femmes qui aspirent à l’égalité, les oppositions citoyennes et les minorités qui défendent leurs droits, la presse qui permet la libre critique. Toutes seraient sommées de se soumettre au cadre qu’il définit. Au lieu de susciter indignations unanimes et ripostes fortes en défense des principes républicains essentiels ici violemment bafoués, l’attrait apparent qu’il suscite dans l’opinion tétanise une large partie des forces politiques, qui préfère lui emboîter le pas dans des surenchères contre les mêmes boucs émissaires, particulièrement les jeunes des quartiers populaires, les personnes étrangères ou musulmanes qui seraient coupables de tous les maux de notre société. Eric Zemmour pousse jusqu’à la purulence des tendances lourdes à l’œuvre depuis des années, nées d’abandon et d’injustices, de tensions sociales ou territoriales résultant de réponses inexistantes ou stigmatisantes, dans une France plus inégalitaire et diverse.
Le gouvernement, qui devrait veiller à la paix civile et à l’Etat de droit face à ces menaces de division, choisit de donner des gages à ces logiques mortifères en mettant à mal les libertés fondamentales de toutes et tous au nom de la lutte contre le terrorisme, contre l’immigration irrégulière ou ce qu’il décrète comme « séparatisme ».
Deux derniers exemples inquiétants vont dans ce sens. Le premier lorsque le ministre de l’Intérieur engage la dissolution de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI). Toute contestation des discriminations vécues par les personnes musulmanes serait suspecte. Quelles que soient les réserves qu’on peut avoir sur le CRI, comme avec le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), les motifs avancés par l’Etat reposent sur une appréciation dogmatique de la lutte contre l’islamophobie, dont le terme même devient pour lui un signe de sécession. Ils menacent gravement la liberté d’association et la liberté d’expression, en plus du risque de renforcer les sentiments d’injustice. Le second exemple est dans la suite des attaques de la ministre de l’Enseignement supérieur contre la liberté de recherche et des chercheurs accusés d’être « islamogauchistes », pour les discréditer. Jean-Michel Blanquer a affirmé le 19 octobre que les professeurs devaient « adhérer aux valeurs de la République et les transmettre » ou « quitter » l’Education nationale, alors qu’il s’exprimait devant des formateurs qui formeront ensuite les enseignants et autres personnels dans les écoles, collèges et lycées. Comme avec la loi séparatisme, le ministre de l’Education nationale poursuit son offensive idéologique laïciste pour imposer sa vision des valeurs de la République, en menaçant les enseignants qui ne penseraient pas comme il le veut. Ce message martial de défiance traduit une inclinaison autoritaire de l’Etat et de confusion avec un rôle dangereux de propagande de ses pensées moralistes, au mépris du principe de laïcité et de liberté de conscience. Une nouvelle fois, la laïcité est instrumentalisée pour devenir un outil de division plutôt que d’unité.
Face à ces inquisiteurs et leur avenir apocalyptique, plus que jamais, il est urgent d’en appeler à une insurrection des consciences pour promouvoir dans les faits, avec toutes les forces de progrès, une République sociale, citoyenne et démocratique, de paix et de libertés.
Malik Salemkour, président de la LDH
Paris, le 29 septembre 2021